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ques de s’absorber dans ces luttes et de ne pas voir que leur avenir est bien plutôt dans un simple fait comme celui qu’on annonçait récemment, — l’arrivée en Europe d’un navire chargé de blés du Chili, ou bien encore le voyage que vient de faire un petit bâtiment de commerce partant d’une des provinces les plus centrales de la Confédération Argentine et atteignant Corrientes, à travers les rivières du Vermejo et du Parana.

CH. DE MAZADE.




LITTÉRATURE ETRANGERE.
HANDBUCH DER SPANISCHEN LITERATUR (Manuel de Littérature espagnole). von Ludwig Lemcke[1].

L’Allemagne continue à s’enrichir de sérieux travaux sur les littératures romanes. Lorsque don Agustin Duran, il y a quelques aimées, proclamait la part immense des érudits allemands à la restauration des vieux monumens poétiques de l’Espagne, ce n’était pas seulement l’œuvre isolée d’un petit nombre d’écrivains et le caprice passager du public qu’il signalait ainsi ; ce mouvement d’études va s’accroissant toujours. L’Espagne et l’Italie sont pour toute une école de savans l’objet d’une sollicitude passionnée. Cette même ferveur que d’autres érudits ont portée et portent aujourd’hui encore dans l’interprétation de l’antiquité grecque et latine, ceux-ci l’appliquent à l’Italie de Dante et de Pétrarque, de l’Arioste et de Machiavel, à l’Espagne d’Alphonse le Savant, de l’infant don Juan Manuel, de Lope de Vega, de Cervantes, de Quevedo et de Calderon. Parmi les commentaires si nombreux que l’Europe a consacrés depuis vingt ans au poète de la Divine Comédie, les plus remarquables peut-être, ceux-là du moins qui partagent la prééminence avec les publications de Fauriel et d’Ozanam, nous viennent de Dresde, de Berlin et de Leipzig. Dans cette assemblée d’homérides (on peut bien donner ce nom aux adorateurs du vieil Alighieri), dans ce chœur de disciples rivalisant de zèle et d’enthousiasme, il y a une place d’honneur pour le souverain lettré qui cache son érudition et ses travaux sous le nom de Philaléthès ; le roi de Saxe commande aujourd’hui la légion que l’Allemagne a mise au service de Dante. J’espère bien réunir un jour ces fidèles ouvriers, et il y aura quelque intérêt, ce me semble, à les comparer avec leurs confrères de France et d’Italie. Aujourd’hui c’est seulement à propos de la littérature espagnole que je veux signaler la sollicitude de l’école romaniste en Allemagne.

Or, tandis que le savant grammairien des langues romanes, M. Diez, complète ses travaux antérieurs par la publication d’un dictionnaire étymologique des cinq ou six idiomes dont il a expliqué le génie ; tandis que M. Franceson publie une grammaire espagnole qui peut être considérée comme un

  1. Premier et deuxième volume, Leipzig, 1855.