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et le fils de doña Maria, cette reine si éprouvée, qui n’a guère connu le repos pendant sa vie. À la mort de doña Maria, en vertu d’une loi du 7 avril 1846, la régente restait confiée au roi dom Fernando, duc de Saxe-Cobourg-Gotha, père du jeune roi dom Pedro, jusqu’à la majorité du souverain, fixée à dix-huit ans. Le roi achevait sa dix-huitième année le lu septembre dernier. À cette date commencé donc réellement un nouveau règne, qui s’est inauguré à Lisbonne au milieu de toutes les fêtes et de toutes les démonstrations monarchiques. Les cortès avaient été convoquées pour ce solennel événement, et c’est dans le sein des deux chambres réunies que dom Pedro V est allé prêter le serment voulu entre les mains du cardinal-patriarche. Tendant plusieurs jours, les fêtes se sont succédé. Suivant un vieil usage, le roi s’est rendu avec toute sa cour sur la place du Commerce, où la municipalité lui a remis sur un plateau d’argent les clefs de la ville, comme un symbole de la prise de possession du royaume. Une pensée plus sérieuse du reste s’est mêlée à cette inauguration d’un nouveau règne ; on a voulu marquer l’avénement de dom Pedro par de nombreux actes d’utilité publique ou de bienfaisance. À Lisbonne, plusieurs maisons d’asile ont été créées ; la ville de Porto a fondé un mont-de-piété et une caisse de secours. à Coïmbre, à Villa-Real, des établissemens du même genre ont été ouverts. C’était donner un caractère pratique et généreux à un événement qui domine et résume aujourd’hui la situation politique du Portugal. Le discours prononcé par le roi devant les cortès est d’ailleurs d’un esprit sage et éclairé, très explicitement constitutionnel et naturellement empreint de cette confiance que donne la jeunesse. En prenant la direction des affaires, dom Pedro trouve le Portugal non certes à la hauteur de ce qu’il a été dans d’autres temps, mais du moins apaisé, et préparé, par la lassitude des révolutions, à chercher dans le repos et dans les améliorations positives les élémens d’une fortune moins précaire. Chose étrange ! il y a eu dans ces dernières années en Portugal deux événemens, deux crises dénature à rejeter le pays dans des épreuves nouvelles : c’était d’abord l’insurrection militaire d’où est née la situation politique actuelle, résumée dans la présence au pouvoir du duc de Saldanha ; puis est venu : la mort de la reine. Ces deux événemens devaient, selon toute vraisemblance, bouleverser le Portugal. Il n’en a rien été. La révolution, maîtrisée par le duc de Saldanha, s’est disciplinée d’elle-même ; les insurgés de la veille se sont groupés autour du trône, non sans l’avoir humilié, il est vrai. La révolution portugaise, modèle anticipé de la dernière révolution espagnole, a su éviter la plupart des écueils contre lesquels celle-ci est venue se heurter. Il s’est formé justement à Lisbonne ce qui n’a pu se former à Madrid, un parti composé de conservateurs et de progressistes, c’est-à-dire de chartistes et de septembristes, — et, appuyé sue cette base, le ministère s’est maintenu depuis trois ans à peu près sans contestation. Ce n’est pas qu’il n’y ait parfois une vive opposition. Les septembristes extrêmes continuent leur guerre contre le gouvernement. L’opposition chartiste est principalement représentée dans la chambre des pairs, où le comte de Thomar a repris son siège depuis quelque temps. Cependant en dernière analyse on en est venu à penser que le duc de Saldanha, par le prestige de son nom, par l’influence qu’il exerce sur l’armée, pouvait seul garantir le Portugal de ca-