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sorte de vues paradoxales. De là tout un mouvement d’œuvres sérieuses ou équivoques qui dénotent plus d’agitation que d’activité réelle. M. Cuvillier-Fleury est certainement l’un des observateurs les plus exacts et les plus fermes de ce monde littéraire actuel ; et ses observations, ses jugemens les plus récens, il les recueille aujourd’hui, comme il l’a déjà l’ait précédemment pour d’autres, dans ses Nouvelles Études historiques et littéraires. C’est notre temps, dans la variété de ses tendances actuelles et dans ses productions de tout genre, qui est l’objet des études de M. Cuvillier-Fleury. Aussi l’auteur étend-il son observation aux hommes, aux choses et aux travaux les plus divers, en maintenant une certaine unité qui naît parfois du sujet, et surtout de la pensée du critique. La meilleure justice qui puisse être rendue à M. Cuvillier-Flcury est celle qu’il se rend à lui-même, quand il dit : « Je n’ai jamais donné au public une ligne qui ne fût la meilleure que je pusse écrire. » Dans quelques pages qui précèdent ces études, peut-être y a-t-il la trace de quelque ancienne polémique sur une question toujours nouvelle : quelle est l’influence de la presse sur la littérature ? fait-on des livres avec des articles de journaux ? Sans doute les esprits d’élite font toujours des livres avec les fragmens qu’ils publient périodiquement, et les mélanges ne datent pas d’aujourd’hui ; mais les mélanges seuls forment-ils une littérature ? Et quand la littérature en est venue à se résumer tout entière dans cette vie morcelée, n’y a-t-il pas un travail nouveau à accomplir, un nouvel effort à tenter pour ramener l’intelligence aux vraies et grandes lois de son existence ?

La vie publique ne se compose pas toujours heureusement d’incidens dramatiques, ou de ces crises pénibles qui sont l’épreuve des gouvernemens et des peuples. Il est des pays travaillés de profonds et secrets malaises et placés dans des conditions difficiles, comme il en est pour qui le calme semble un état normal, de même encore qu’il s’en trouve qui, après avoir vu passer des révolutions sans nombre, se plaisent à tirer de quelque événement important de leur histoire l’augure d’une ère meilleure. Dans ces deux dernières catégories, ne peut-on pas placer la prudente Hollande, peu accoutumée à courir les aventures politiques, et le Portugal, dont le jeune roi, arrivé à sa majorité, vient en ce moment même de prendre la direction des affaires ?

Il y a peu de jours, les états-généraux s’ouvraient à La Haye, et la session nouvelle ne pouvait commencer sous de plus paisibles auspices. Neutre dans la guerre qui tient aujourd’hui l’Europe en suspens, libre et dégagée de toute complication dans sa situation intérieure, occupée d’objets pratiques, surtout d’améliorations matérielles et financières, la Hollande reste dans des conditions régulières que le roi n’a fait que résumer en ouvrant les chambres. Aussi le discours de la couronne semble-t-il avoir produit la meilleure impression. Les chambres de leur côté ne paraissent pas vouloir s’attarder dans de longues et inutiles discussions au sujet de l’adresse. La première chambre a accepté presque sans débats le projet qui lui était présenté, et a seulement insisté par un amendement sur la nécessité de l’aboli lion de l’esclavage dans les colonies. L’adresse n’a été qu’un écho fidèle du discours royal. Dans la seconde chambre, il n’en a point été autrement ; la commission chargée de préparer la réponse au roi se trouvait composée