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d’un kilomètre environ d’un terrain sablonneux, au-delà duquel on trouve une campagne admirable. C’est la Méchiah, ravissante oasis où croissent mêlés le palmier, l’olivier, l’oranger, et tous les arbres et arbustes à fruits et à fleurs de l’Europe et de l’Afrique. Il n’y manque que de l’eau courante; mais les puits y sont extrêmement nombreux et peu profonds, de sorte que les moyens d’irrigation ne font jamais défaut. Le système de puisage est le grand seau de cuir à bascule, comme dans un grand nombre d’autres localités de l’Orient. La population de la Méchiah est un peu plus considérable que celle de la ville; elle est honnête, laborieuse et extrêmement polie. Je dois dire, à la honte de la civilisation européenne, que je n’ai trouvé nulle part des paysans aussi affables que chez les musulmans. Les habitations de la Méchiah sont fort disséminées. Dans le nombre, il en est de vraiment belles, où de riches Maures s’abandonnent avec délices à cette calme existence orientale, qui serait peut-être la plus désirable, si les choses de l’esprit n’y étaient pas trop négligées. Ce n’est pas cependant que la vie intellectuelle n’existe pas pour les musulmans, car on rencontre même des Turcs ayant quelque teinture des lettres : c’est extrêmement rare, mais enfin cela se voit. Ces phénomènes sont beaucoup plus communs chez les Arabes, que la nature a doués d’une extrême aptitude à toute chose et d’une riche imagination. J’ai trouvé dans les admirables oasis du Djeiid, où j’ai fait un assez long séjour, des hommes dont l’esprit avait reçu toute la culture que peut donner l’étude de la littérature et de la science arabe, telles qu’elles étaient lorsque le mouvement intellectuel s’arrêta chez cette forte race. Ln jour, en allant de Touzer à Oudiana, je joignis un vieillard qui cheminait lentement devant moi, monté sur une mule et suivi par un nègre. Il avait une paire de lunettes sur le nez et un livre à la main. Je crus que c’était quelque maître d’école qui repassait son Coran; mais non, c’était un amateur de littérature qui parcourait un recueil de vers profanes. Il habitait à Oudiana une maison isolée, douce retraite où il avait quelques livres et une vieille Baucis dont il était le Philémon. A Gafsa, j’ai connu un autre Arabe plus jeune qui en savait autant en cosmologie et en physique que nous en savions en Europe il y a trois siècles. Ces savans fossiles me font l’effet d’autant d’Épiménides qui ont dormi pendant que le monde marchait.

La ville actuelle de Tripoli s’appelait OEta dans l’antiquité; elle fut une des trois cités qui firent donner à la contrée où elles étaient situées la dénomination de Tripolitaine; les autres étaient Sabrata et Leptis-Major. Parmi les restes qu’on voit encore de l’antique OEta, le seul un peu remarquable est un arc de triomphe situé non loin de la porte de la Marine. L’ingénieux Apulée, l’auteur du célèbre roman