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de tricher. Or, depuis Ruysdael jusqu’à Claude Gelée, il n’y a pas un paysagiste éminent qui n’ait triché.

M. Hockert, peintre suédois, a traité avec une grande délicatesse un épisode emprunté aux habitudes religieuses de la Laponie. Son Prêche dans une chapelle est une œuvre très digne d’estime. Les personnages sont bien placés et dessinés avec soin, la lumière très habilement distribuée. En somme, c’est déjà plus qu’une promesse, c’est un gage précieux. Toutefois je suis obligé de répéter à propos de M. Hockert ce que je disais de M. Robbe : il ne comprend pas que la dimension d’une toile dépend de la nature du sujet. Son Prêche en Laponie gagnerait cent pour cent s’il était peint sur ce qu’on est convenu d’appeler une toile de chevalet, quoique les toiles les plus grandes soient placées comme les plus petites sur un chevalet. Pour vérifier ce que j’avance, il suffit de retourner une lorgnette, de transformer L’objectif en oculaire, l’oculaire en objectif. Le tableau de M. Hockert prend alors la dimension qui lui convient, la mesure des personnages se trouve en rapport avec le sujet, et le regard est satisfait.

Je n’ai rien à dire de Franklin plaidant la cause des États-Unis devant Louis XVI. M. Healy, dans ce tableau qu’il prend sans doute pour une composition historique, ne s’est pas élevé au-dessus de la médiocrité la plus insignifiante. Je ne sais pas comment se nomme son maître, mais à voir son Franklin, on pourrait croire que M. Healy a étudié dans l’atelier de M. Blondel. M. Kranch nous a offert deux Chutes du Niagara qu’il désigne sous les noms de Chute canadienne et de Chute américaine. Je n’examine pas la justesse de ces appellations au point de vue géographique, je m’en tiens à la peinture. Or ces deux paysages sont absolument dépourvus de grandeur quant au dessin, et la couleur n’a rien qui séduise les yeux. Une Vue de l’Hudson en automne, une Vue de West-Point sur l’Hudson, révèlent chez M. Gignoux une certaine habileté de pinceau; mais il est impossible de découvrir dans ces deux toiles quelque chose qui s’élève au-dessus de la pratique matérielle du métier. Entre les mains de M. Cabat, l’étang de Ville d’Avray a plus de grandeur que l’Hudson entre les mains de M. Gignoux.

Du Pérou et du Mexique, je n’ai pas grand’chose à dire. La Femme adultère de M. Cordero n’indique pas des études bien avancées. M. Laso, élève de M. Gleyre, a prouvé dans le portrait de Gonzalo Pizarro qu’il s’efforce de mettre à profit les leçons de son maître: mais je ne puis guère louer chez lui que l’excellence de l’intention.

Je reviens à mon point de départ. Les quatre écoles qui nous ont