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L’Abandonné de M. Ancona, l’Ève pécheresse de M. Bezzuoli, ne peuvent soulever aucune discussion, tant ils sont insignifians. C’est ce qu’on appelle en style d’atelier deux ponsifs, c’est à-dire deux ouvrages qu’on salue comme deux vieilles connaissances. Une copie de Fra Bartolommeo en clair-obscur, de M. Burlamachi, exécutée par un procédé de l’auteur, passera certainement inaperçue. Il n’y a dans cette œuvre, achevée d’ailleurs avec soin, rien qui éveille l’attention des gens du monde, rien qui mérite d’être étudié par les hommes du métier. Ce n’est vraiment pas la peine d’habiter la Toscane pour occuper ainsi ses journées. — Le portrait en pied d’un cardinal, de M. Mazzocchi, est d’un aspect tellement vulgaire que je me borne à le mentionner pour mémoire. Puis vient M. Sasso, avec une copie de Fra Angelico, imitation des anciens procédés de peinture. Ainsi pour les Toscans, à l’heure où je parle, le progrès consiste à retourner en arrière. Pour eux, il ne s’agit pas d’inventer, d’élargir le présent, de conquérir l’avenir, mais de reproduire le passé, de le copier servilement. Autant vaudrait pour la Toscane renoncer à la pratique de la peinture. Et pas une statue, pas une figure taillée dans un bloc de Carrare! La patrie de Ghiberti et de Donatello, la patrie de Michel-Ange, si pauvrement représentée par les tableaux qu’elle offre à nos regards, a-t-elle donc abandonné le maniement de l’ébauchoir et du ciseau? Je ne veux pas le croire. Pourquoi donc n’avons-nous au palais des Beaux-Arts ni un marbre, ni un plâtre, ni une terre cuite qui atteste le respect de la Toscane pour les glorieux fondateurs de l’art florentin? Je ne professe pas une bien vive admiration pour les statues de Pampaloni placées dans le voisinage de Santa-Maria de’ Fiori; enfin elles prouvent du moins que la Toscane n’a pas renoncé à la sculpture, et pourtant la Toscane n’a pas envoyé à Paris une statue.

Le royaume de Naples n’est pas représenté moins tristement que le duché de Toscane. M. Francesco, qui avait sous la main le Pausilippe et Capo di Monte, Ischia, Capri, Procida, Amalfi, la lumière, la splendeur, s’en vient chez nous pour faire des paysages de Bretagne. Cette tentative, que nous avons le droit de trouver étrange, ne lui a pas porté bonheur. Un fils du pays de la lumière s’en aller vers le pays de la brume, quelle singulière fantaisie! Le contraire se comprend sans peine; mais quitter la Mergellina pour les côtes de Bretagne, quel bizarre caprice! M. Francesco, en copiant le modèle qu’il avait choisi, est demeuré bien au-dessous des paysagistes français, même au-dessous de ceux qui n’occupent pas le premier rang. Les Vaches dans un enclos et l’Intérieur d’une bergerie de M. Paris sont des études estimables, mais rien de plus. Et que trouvé-je pour la statuaire? Une nymphe en plâtre de M. Lanzirotti, Érigone et Bacchus, groupe sans caractère, sans accent, qui ne révèle chez