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de l’exposition universelle, et parmi les noms inscrits sur ces quatre pages je trouve des noms français, anglais, allemands, M. Bonnardel, M. Gibson, M. Stattler. Jamais le dépérissement intellectuel d’une grande nation ne fut plus franchement accusé. La patrie réelle de Raphaël, la patrie adoptive de Michel-Ange, arrivée à cette déplorable décadence, prouve trop clairement que les héritiers de Léon X et de Jules II abandonnent les arts à eux-mêmes et ne font rien pour les vivifier. Je sais avec tous les hommes de bon sens qu’il ne dépend pas d’eux de susciter des artistes éminens, mais ils pourraient du moins encourager les artistes de talent, qui poussent sur la terre romaine, comme l’aloès et le laurier aux portes de Palerme. MM. Agneni, Bompiani, Cavalleri, Medici, Podesti et Tosi représentent la peinture romaine d’une manière tellement modeste que s’ils n’avaient pas pris soin d’indiquer le lieu de leur naissance, nous pourrions croire qu’ils n’ont jamais respiré sous le ciel d’Italie. Eve effrayée à la vue du serpent qui lui rappelle sa première faute, la Vierge et l’enfant Jésus n’ont rien à démêler avec l’Eve du Vatican, ni avec la Vierge de Foligno. Le Prophète Isaïe, exécuté par le procédé bichromographique du chevalier Cavalleri, ne relève assurément ni de la Sixtine ni du pilier de Saint-Augustin. Comme je suppose que l’auteur de cette figure laborieusement insignifiante ne se pique pas de philologie, je ne le chicanerai pas sur le caractère hybride de la dénomination qu’il a inventée pour son procédé. Les onze miniatures de M. Medici d’après Raphaël, Titien, Francesco Francia, Guido Reni et Carlo Dolci, sont tellement loin de Mme de Mirbel, de Mme Herbelin et de Rochard, qu’il y aurait presque de la cruauté à tenter de les analyser. Essayer son talent d’imitation sur Guido Reni et Carlo Dolci après l’avoir exercé sur Raphaël, Titien et Francia, n’est-ce pas avouer d’ailleurs que l’on confond dans une commune admiration les grands maîtres et les ouvriers de troisième ordre? Ne serait-il pas temps d’abandonner Carlo Dolci à l’admiration verbeuse des touristes ignorans? Déclarer qu’on l’aime, c’est déclarer qu’on ne peut rien aimer de vraiment beau. Le Siège d’Ancône sous Frédéric Barberousse, de M. le chevalier Podesti, est une de ces œuvres compassées qui échappent tout à la fois à la louange et au reproche. Il est évident que l’auteur, qui jouit dans son pays d’une grande autorité depuis la mort de Camuccini, et qui prend le titre de professeur, connaît les procédés matériels de son métier; mais, hélas! il ne connaît rien au-delà. Il ne se préoccupe, guère de l’invention, et l’on pourrait croire qu’il a étudié la peinture comme on étudie le jeu de la navette. C’est un praticien et rien de plus. Ce n’est pas sur lui que nous devons compter pour la régénération de !a peinture italienne. Les Portes de bronze de Saint-Pierre, dessinées à la