Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dre est-il dès ce moment résolu à l’abdiquer, et dans quelle mesure le fera-t-il ? Se laissera-t-il au contraire entraîner à tenter encore la fortune d’une campagne, avant d’en venir à des concessions peut-être tardives ? Voila toute la question.

Quoi qu’il en soit, on ne peut douter qu’il n’y ait en ce moment un travail réel en faveur du rétablissement de la paix, travail où chacun a peut-être sa part, et qui a visiblement son principal foyer en Allemagne. On a pu voir, il y a quelques mois déjà, dans le voyage de M. de Beust et de M. von der Pfordten à Paris, comme un symptôme d’une certaine modification dans la politique et les tendances des états secondaires de la confédération germanique. Ces tendances nouvelles n’allaient point, on le conçoit, jusqu’à prendre une altitude fort imposante vis-à-vis de la Russie ; elles dénotaient du moins la bonne volonté de ne point s’éloigner de l’Occident, et de peser plutôt à Pétersbourg du poids de conseils tout pacifiques. Aussi a-t-on pu en conclure qu’une démarche sans aucun caractère collectif avait été faite dans ce sens. La Prusse elle-même a dû avoir son tour également. Le cabinet de Berlin ne pouvait avoir la pensée de s’interposer comme médiateur dans une querelle d’où il s’est retiré après avoir publiquement proclamé le droit de la France et de l’Angleterre, mais il pouvait plaider de nouveau pour la conciliation auprès du tsar. L’a-t-il fait par des communications directes ou par l’intermédiaire de son représentant militaire à Pétersbourg, M. de Munster ? Peu importe, le symptôme reste toujours, et ce symptôme est le désir de la paix, manifesté une fois de plus. C’est à l’Autriche Sans doute que revient la plus grande part de ce mouvement, d’où sont nés tous les bruits d’une pacification prochaine. Liée par un traité dont elle n’a point cessé d’accepter la solidarité morale, si elle en a décliné la solidarité effective, l’Autriche se trouve toujours rattachée aux puissances occidentales ; elle a un terrain commun avec celles-ci, et sur ce terrain même elle a pu être conduite à rechercher quelque combinaison nouvelle plus heureuse que les précédentes. Sans qu’il apparaisse encore rien de distinct, sans qu’il y ait surtout de propositions véritables émanées de la Russie ou offertes à son acceptation, on peut, ce nous semble, démêler divers faits dans ce travail, plutôt pressenti que connu : d’abord c’est le sérieux et véhément désir de la paix qui règne au-delà du Rhin, c’est en outre un double effort de l’Autriche pour rattacher les autres états allemands à sa politique, en même temps qu’elle recherche, de concert avec la France et l’Angleterre, les bases d’un accommodement possible, ou du moins d’une tentative de ce genre.

Depuis que cette crise est ouverte, la Russie a l’œil rivé sur l’Allemagne, soit pour se couvrir de son inaction, soit pour la retenir et l’endormir encore aux heures décisives. Il n’est donc point impossible que les vœux manifestés en Allemagne et l’effort de l’Autriche n’aient produit quelque impression à Saint-Pétersbourg. Déjà même, dit-on, au travail qui s’opère au-delà du Rhin dans un sens occidental, la Russie oppose de son côté un travail diplomatique tendant à persuader aux états allemands qu’elle veut la paix, qu’elle est prête à souscrire à des conditions très acceptables pour tous. Qu’on nous permette seulement une double observation. Si l’Allemagne souhaite une prompte pacification non-seulement comme un bien-