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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 décembre 1855.

Rien n’est plus singulier véritablement que la situation énigmatique où se trouve placée depuis quelques jours l’Europe, partagée entre l’incertitude d’opérations militaires suspendues par la saison et l’obscurité de négociations dont nul ne met en doute l’existence, sans qu’on puisse en préciser ni les termes, ni le sens, ni la portée. Faut-il croire à la paix ? faut-il croire à l’inévitable continuation de la guerre ? Cette trêve de l’hiver, qui n’est interrompue que par quelques engagemens de peu d’importance, se transformera-t-elle en une pacification régulière et définitive ? Ne serait-elle au contraire qu’une de ces haltes où se forgent des armes nouvelles et se nouent de plus vastes complications ? Les vœux et les espérances du continent se tournent évidemment vers la paix ; les esprits sensés la désirent digne et sérieuse ; les spéculateurs la font et la défont chaque jour dans toutes les bourses de l’Europe pour leur satisfaction ou leurs intérêts du moment ; les nouvellistes en publient déjà les préliminaires. Les difficultés cependant ne restent pas moins entières, et si elles ne sont point certainement insolubles, elles sont de nature à tempérer les illusions en laissant apparaître les obstacles que peut avoir à vaincre toute tentative sérieuse de conciliation. Ces difficultés naissent de ce qu’on pourrait appeler la force des choses, de la grandeur des sacrifices accomplis, de l’insuccès même de tant d’efforts de rapprochement restés jusqu’ici infructueux, aussi bien que de la complexité et de la puissance des intérêts engagés dans le conflit actuel. Après tout, aujourd’hui comme en tous les instans, sous quelque forme diplomatique que le problème se pose, il s’agit d’une paix qu’on n’a point sans doute le dessein de rendre gratuitement humiliante pour la Russie, mais qui devra consacrer les garanties à l’abri desquelles l’Occident a acquis le droit de placer sa sécurité et son repos. L’honneur militaire de la Russie reste intact, c’est sa politique qui est en cause. Or cette politique, l’empereur Alexan-