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Voyez dans ce chemin un long troupeau de bœufs,
Les poulains et les veaux qui bondissent joyeux ;
Comme tout cela vit, s’aime bien et folâtre !…
Oh ! dans l’air pur j’entends la voix claire d’un pâtre !
— Ce denier, bonne mère, à vous, à vous encor !
Le peu qu’on donne au pauvre au ciel se change en or. »


V


Grandes émotions d’une simple journée !
Quel marchand reviendra plus fier de sa tournée !
Où dominait jadis le manoir féodal
Est ouvert, bien que sombre, un pieux hôpital,
Asile du malheur, œuvre réparatrice ;
La nature à l’entour, belle consolatrice,
Verse dans la vallée un fleuve gracieux
Qui délecte le cœur et réjouit les yeux ;
La vieillesse revit à ces douceurs lointaines…
Muses, je viens de boire à vos saintes fontaines !


VII.

LE HÊTRE.

Enfant, j’ai vu la plante grêle
Pousser dans l’herbe près de moi,
Comme moi souple, et molle, et frêle ;

Vers l’âge d’or, où je marchais en roi
Dans nos taillis, l’arbuste de mon âge
Me couronnait de son léger feuillage ;

Sur son tertre aujourd’hui, comme un géant fixé,
Il étend glorieux ses grands bras, et sa tête,
Où la brise murmure, où gronde la tempête,
M’appelle, et ses longs bruits me parlent du passé.

Frère, à mon dernier jour, sous ton abri placé,
Mille ans, mon livre en main, je dormirais poète ;
Là, je vivrais encore, affinité secrète,
Dans l’arôme et l’air pur où tu serais bercé !


A. BRIZEUX.