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Mais l’ancre vient à bord : Robert une seconde
Dans son cœur hésita ; pourtant il lui fallait
Une dernière fois faire le tour du monde !
Et la Sirène au loin s’en allait, s’en allait…

Toujours habitez-vous dans la mer, ô Sirène ?
Ah ! comme les marins, partout dans l’univers
Chacun trouve, amoureux, l’idéal qui l’entraîne,
Et que jusqu’à la tombe il suit les bras ouverts.

V.
MARIE.

Cueillant des lucets noirs[1] pour cette brune enfant,
J’errais un jour d’été sous la forêt ombreuse,
Comme elle enfant joueur, mais près d’elle rêvant :

Sur la mousse et les fleurs et sur l’herbe nombreuse,
Quand ses pieds nus laissaient leur trace, bien souvent
Amoureux je passais sur la trace amoureuse ;

Un ruisseau descendait vers l’étang de Ker-Rorh :
Son beau front, entouré d’une tresse de laine,
Brilla dans ce miroir, et mes yeux vers la plaine
Suivaient l’onde emportant, joyeuse, mon trésor ;

Dans l’air un jeune oiseau lança ses notes d’or,
Sa voix lui répondit claire, argentine et pleine,
Et moi, pour aspirer cette vibrante haleine,
J’accourus… Dans mon cœur, ah ! je l’aspire encor !

VI.
LES FONTAINES SACREES.


I

Castell-Linn, en montant vers tes sommets boisés,
Où gisent de nos ducs les murs demi-rasés,
Mes pensers voyageurs me suivent ; sur ta pente
Je m’arrête, ébloui du fleuve qui serpente ;
Puis, songeant à mon art, à la gloire, au destin,
Je murmure des vers commencés le matin :

  1. Ou airelle, fruit des bois.