Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’étole d’or est prête, et le saint nous attend ;
Triste on va le prier, et l’on revient content. »

Au milieu des transports, des chants de la victoire,
Elles parlaient ainsi ; plus d’une en cape noire
Pourtant montrait le deuil d’un père, d’un époux,
Quand, par ce beau matin, un soleil clair et doux,
Je sortis de la ville et côtoyai la rade
Pour visiter au loin une antique peuplade.
Contemporains de tout, les yeux sur l’avenir,
Des gloires du passé gardons le souvenir ;
Dans notre humilité suivons un grand exemple :
L’Esprit universel n’a rien qu’il ne contemple.



II



Bientôt, avec son fils aux longs cheveux dorés,
M’apparut un vieillard, et tous deux par les prés
Cueillaient des fleurs, du jonc, des feuilles de molène.
L’enfant avait déjà sa robe toute pleine :
Attendri, j’observai le vieillard et l’enfant,
Puis à leur bonheur pur je m’éloignai rêvant.

Le pays est ouvert par cent routes nouvelles.
À la voix des savans, les pioches et les pelles
Ont comblé les vallons, abaissé les coteaux.
Il n’est plus de grands parcs autour des grands châteaux,
Pour que le commerçant, d’un air de gloriole,
Sur les chemins unis route en sa carriole :
Le siècle l’a voulu… Nous, par ce chemin creux,
Garni de chèvrefeuille et de chênes ombreux,
Plus fidèle au passé, conduisons notre rêve
Vers ce bourg dont la flèche à l’horizon s’élève.

O pays illustré par nos saints et nos rois !
Les souvenirs pieux et les sombres effrois
Ici volent dans l’air, et mille chants sauvages
Répondent aux clameurs s’élevant des rivages.
Naguère, quand j’allais dans ces âpres cantons,
Humble Homère, cherchant la trace des Bretons,
Vers le cap, arrêtant mon cheval par la bride,
Un pêcheur s’avança pour me servir de guide :
Il courut devant moi ; le terrain lisse et sec,