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mémoires d’Henri de Campion[1], frère de l’ami de Mme de Chevreuse, que celui-ci avait fait entrer avec lui au service du duc de Vendôme et particulièrement du duc de Beanfort. Henri avait accompagné le duc dans sa fuite en Angleterre après la conspiration de Cinq-Mars, et il en était revenu avec lui ; il possédait toute sa confiance, et il ne raconte rien où il n’ait pris lui-même une part considérable. Henri était d’un caractère bien différent de son frère Alexandre. C’était un homme instruit, plein d’honneur et de bravoure, sans jactance aucune, éloigné de toute intrigue, et né pour faire son chemin par les routes les plus droites dans la carrière des armes. Il a écrit ses mémoires dans la solitude, où après la perte de sa fille et de sa femme il était venu attendre la mort au milieu des exercices d’une solide piété. Ce n’est pas en cet état qu’on est disposé à inventer des fables, et il n’y a pas de milieu : ce qu’il dit est ici qu’il le faut croire absolument, ou, si l’on doute qu’il dise la vérité, il le faut considérer comme le dernier des scélérats. Aucun intérêt n’a pu conduire sa plume, car il a composé ses mémoires, ou du moins il les a achevés, un peu après la mort de Mazarin, ne songeant donc pas à lui faire sa cour par de bien tardives révélations, et deux ans à peine avant que lui-même, s’éteignit, en 1663. Il écrit véritablement devant Dieu et sous la seule inspiration de sa conscience.

Or, ouvrez ses mémoires, vous y verrez de point en point confirmés tous les renseignemens qui remplissent les carnets de Mazarin. Rien n’y manque, tout se rapporte, tout correspond merveilleusement. Il semble en vérité que Mazarin, en écrivant ses notes, ait eu sous les yeux les mémoires d’Henri de Campion, ou que Henri de Campion, en écrivant ses mémoires, ait eu sous les yeux les carnets de Mazarin : il les complète à la fois et il les résume.

Il déclare nettement qu’il y eut un projet de se défaire de Mazarin, et que ce projet fut conçu, non par Beaufort, mais par Mme de Chevreuse de concert avec Mme de Montbazon. Beaufort, une fois séduit, séduisit son intime ami, le fils du comte de Maillé, le comte de Beaupuis, enseigne de la garde à cheval de la reine. Mme de Chevreuse leur adjoignit Alexandre de Campion, le frère aîné de Henri, avec lequel nous avons fait connaissance. « Elle l’aimoit beaucoup, » dit Henri de Campion, d’une façon qui, s’ajoutant aux paroles ambiguës d’Alexandre, que nous avons rapportées[2], fortifie le soupçon si celui-ci n’était pas alors en effet un des nombreux

  1. Mémoires de Henri de Campion, etc., 1807, à Paris, chez Treuttel et Würtz, in-8o. Petitot en a donné seulement un extrait à la suite des Mémoires de La Châtre, t. LI de sa collection.
  2. Voyez la livraison du 1er décembre.