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l’acquittement des dettes contractés pendant l’exil et dans l’intérêt d’Anne d’Autriche. Dès les premiers jours, elle avait tiré son ami et protégé Alexandre de Campion du service des Vendôme, pour le placer dans la maison de la reine en un rang convenable. On avait remis Châteauneuf dans sa place de chancelier des ordres du roi, et plus tard même on lui rendit son ancien gouvernement de Touraine, après la mort du marquis de Gèvres, tué au mois d’août, devant Thionville ; mais Mme de Chevreuse trouvait que c’était faire bien peu pour un homme tel que Châteauneuf, qui avait joué sa fortune et sa vie et souffert un emprisonnement de dix années. Elle reconnut aisément que les perpétuels retardemens des grâces toujours promises et toujours différées pour les Vendôme et pour La Rochefoucauld étaient autant d’artifices du cardinal, et qu’elle était sa dupe, elle se plaignit et commença à se permettre des mots piquans et moqueurs. C’étaient des armes qu’elle fournissait à Mazarin contre elle-même. Il fit sentir à la reine que Mme de Chevreuse la voulait gouverner, qu’elle avait changé de masque et non de caractère, qu’elle était toujours la personne passionnée et remuante qui, avec tout son esprit et son dévouement, n’avait jamais fait que du mal à la reine, et n’était capable que de perdre les autres et de se perdre elle-même. Peu à peu, de sourde et cachée qu’elle était, la guerre entre eux se déclara de plus en plus. La Rochefoucauld a peint admirablement le commencement et les progrès de cette lutte curieuse. Les carnets de Mazarin l’éclairent d’un jour nouveau, et relèvent infiniment Mme de Chevreuse en faisant voir à quel point Mazarin la redoutait.

Partout il la considère comme le véritable chef du parti des Importans, : « C’est Mme de Chevreuse, dit-il sans cesse, qui les anime tous. » — « Elle s’applique à fortifier les Vendôme ; elle tâche d’acquérir toute la maison de Lorraine ; elle a déjà gagné le duc de Guise, et par lui elle s’efforce de m’enlever le duc d’Elbeuf. » — « Elle voit très clair en toutes choses ; elle a fort bien deviné que c’est moi qui en secret agis auprès de la reine pour l’empêcher de rendre au duc de Vendôme le gouvernement de la Bretagne. Elle l’a dit à son père, le duc de Montbazon, et à Montaigu. » — « Elle se brouille avec Montaigu lui-même, parce qu’il fait obstacle à Châteauneuf en soutenant le garde des sceaux Séguier. » — « Mme de Chevreuse ne se décourage pas. Elle dit que les affaires de Châteauneuf ne sont pas du tout désespérées, et elle ne demande que trois mois pour faire voir ce qu’elle peut. Elle supplie les Vendôme de prendre patience, et les soutient en leur promettant bientôt un changement de scène. » — « Mme de Chevreuse espère toujours me faire renvoyer. La raison qu’elle en donne, c’est que, quand