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Aussi ne brille-t-elle guère dans les expositions universelles. À peine peut-on la citer pour quelques articles de fantaisie, où notre génie prévaut malgré tout. Ainsi MM. Pouyat, de Limoges, ont eu, à ce point de vue, une exposition à part ; leur service émail et biscuit, décoré par un artiste habile, M. Colomera, a généralement réussi. Il en est de même des pièces exposées par M. Boyer, qui imitent le sèvres, des poteries de M. Follet, des faïences de M. Ristori, des animaux de M. Avisseau, et de l’industrie si utile de M. Borie, qui est l’inventeur des tuiles creuses, aujourd’hui employées dans presque toutes les constructions de Paris.

La série des industries de luxe nous conduit à la carrosserie. Elle occupait à l’exposition une place considérable ; on n’y pouvait faire un pas sans se heurter à une file de voitures, voitures de ville, voitures de gala, berlines, landaus, calèches, coupés, américaines, phaétons, victorias, cabriolets a quatre roues, tilburys, breecks, dog-carts, cabs, sans compter les wagons. Il nous en était arrivé de tous les points du globe, même de la Norvège, du Canada et du Mexique. Ce qui était sensible dans tous ces produits, et même dans les voitures envoyées de Londres, c’est l’imitation des formes françaises. L’Autriche seule a conservé une lourdeur qui semble de tradition, et qui frappe surtout dans le carrosse d’apparat exécuté par M. Laurenzi pour le maire de Vienne. Quoi qu’il en soit, la carrosserie plaisait aux curieux et se justifiait ainsi d’occuper tant d’espace. Les modèles de wagons étaient logés plus à l’étroit, et se confondaient avec la sellerie et les équipages d’ambulance. À la vue de ces derniers, une douloureuse émotion gagnait le cœur : ces cacolets, ces chariots rappelaient ceux qui, dans un jour de combat, transportent nos héroïques blessés, et offraient au milieu de tant d’attributs pacifiques une image de cette guerre où le sang des nôtres a tant coulé.

Si les voitures tenaient beaucoup de place, les pianos menaient beaucoup de bruit. Cent huit instrumens représentaient un nombre égal d’exposans, et offraient toutes les variétés imaginables, pianos droits, pianos à queue, pianos simples et pianos à orgues. Les grandes maisons s’étaient piquées d’honneur, et plusieurs de ces instrumens sont des chefs-d’œuvre d’ébénisterie. On sait à quels noms est échu l’empire du piano, MM. Erard, Pleyel et Hertz. Ils ne semblent pas d’humeur à s’en dessaisir, et l’exposition n’a fait à leur égard que confirmer d’anciens titres. M. Sax paraît aussi avoir maintenu ses droits sur les instrumens de cuivre ; la famille sonore à laquelle il a donné son nom s’élevait en trophée jusqu’aux voûtes du palais, et imposait aux regards par son formidable appareil. Pour la clarinette, M. Boehm, de Munich, a eu les honneurs du concours. Il