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c’est une concurrence redoutable pour notre fabrique de Tarare, qui a besoin, pour s’en défendre, de tout son génie, de toute son activité, et du prestige d’un nom déjà ancien dans cette industrie.

Dans les tissus des lins et des chanvres, la variété est moindre ; l’industrie est également moins avancée. Pour le coton, le fuseau et le rouet ne sont plus qu’un souvenir ; ils sont encore, pour le lin et les chanvres, un instrument usité, surtout dans les fils destinés à la dentelle et à la mulquinerie. C’est à la nature même de la substance, plus dure, plus énergique, plus résineuse que le coton, qu’il faut attribuer les différences dans le mode de traitement. Elle exige plus de soin, des machines plus fortes, conditions qui laissent encore aux bras humains une petite place dans son domaine, dépendant cette place s’amoindrit chaque jour au profit de l’action mécanique. L’Angleterre est entrée dans cette voie d’une manière à peu près exclusive, et un seul établissement file aujourd’hui à Leeds plus de chanvre et de lin que n’auraient pu en filer autrefois les rouets de toutes nos provinces. Cette puissante maison a manqué à l’exposition de Paris et y a fait un vide. Tous les pays manufacturiers ont d’ailleurs des métiers à lin et en augmentent graduellement le nombre. La Grande-Bretagne compte 1,268,000 broches, la France 350,000, le Zollverein 80,000, l’Autriche 30,000 ; on en suppose 50,000 à la Russie,15,000 aux États-Unis, à l’Espagne 0,000 seulement. Par ces chiffres, rapprochés de ceux des populations respectives, on pourrait arriver, si cette recherche était utile, à la connaissance exacte de ce qui reste au travail à la main. D’ailleurs les préventions qui existaient contre le tissage mécanique se dissipent de plus en plus devant la perfection incessante des produits. Il est impossible de rien voir de plus beau, de plus fort et de plus souple à la fois que les toiles sorties des métiers anglais, et pour tous les articles unis ils nous sont incontestablement supérieurs. C’est seulement dans les articles façonnés que nous reprenons nos avantages. À l’exposition, nos linges damassés se faisaient remarquer par leur beauté et leur élégance ; ils n’ont plus de rivalité à craindre que dans la vieille industrie de la Saxe, et encore, en analysant les sujets, l’exécution et les apprêts de nos grands services de table, y trouverait-on des qualités auxquelles la Saxe prétendrait vainement. Dans les toiles à bas prix, il y a eu également des progrès notables, et l’on pourrait en citer d’excellentes et de la plus grande largeur qui ne coûtent pas plus cher que des toiles de cretonne. Ce n’est pas que les concurrences manquent ; elles abondent au contraire et ne sommeillent pas. Outre l’Angleterre et la Saxe, voici la Belgique, voici la Suisse. On sait quelle importance l’industrie des toiles a acquise en Belgique et à quelle perfection elle y est portée. L’exposition en a fourni le témoignage,