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la première idée qui se présente est la substitution de l’acier au fer forgé.

C’est à ce titre également que les aciers de la province rhénane sortis des ateliers de M. Krupp, l’un des grands lauréats du concours, ont excité la surprise des hommes du métier et aussi des curieux. Qui ne se souvient de cette vaste table couverte de tronçons coupés dans tous les sens, tantôt dans la largeur, tantôt dans la longueur de la pièce, ici en droit fil, là en biais, avec des cassures capricieuses et multipliées à dessein ? Qui n’a admiré ce grain fini et serré, d’une pureté et d’une égalité parfaites, sans défaut, sans tare, sans corps étranger, sans une ombre de mélange ? Qui n’a remarqué et touché ce long copeau d’acier détaché par la tarière et adhérent encore au bloc d’où il est sorti ? Voilà à quel degré de perfection M. Krupp a pu amener l’acier fondu. Impossible de voir une matière à la fois plus pure, plus ductile, plus exempte d’alliage : le marteau même n’eût pas mieux fait. On s’est demandé alors comment un pareil produit avait pu être fabriqué, et s’il n’y avait pas là-dessous une de ces illusions, une de ces ruses de laboratoire qui sont si communes dans les concours publics ; on s’est pris à douter que de pareils tours de force pussent entrer dans le domaine de la fabrication, et par voie d’hypothèse on a été conduit à présumer que c’était l’œuvre de plusieurs refontes successives, trop coûteuses pour jamais devenir d’un usage général. Ces objections, ces suppositions semblent purement gratuites. M. Krupp n’est ni nouveau, ni inconnu dans l’industrie ; il a une usine importante où depuis longtemps il livre au commerce des aciers à peu près égaux à ceux qui figuraient dans son exposition, et quand même ces derniers seraient le fruit d’un traitement exceptionnel, ils tendraient encore à prouver à quel point de supériorité on peut amener le métal à l’aide de la seule fonte. De pareilles conquêtes ne se font pas inutilement, même une fois, même à grands frais ; elles se complètent toujours, et ce qui n’avait d’abord qu’un caractère expérimental prend à la longue un caractère industriel.

Nulle part les lois et les principes ne sont plus nécessaires que dans l’industrie, et non-seulement ceux que la science découvre, mais ceux encore qui se révèlent dans l’application. Il est par exemple un fait chaque jour plus évident et que toutes les expériences confirment, c’est l’avantage qui existe à substituer, en mécanique et en chimie, le mouvement de rotation au mouvement alternatif. Je m’explique. Le métier à bras, ici que nous le voyons agir sous l’impulsion de l’ouvrier, et même la plupart des métiers à moteurs économiques, se basaient naguère sur l’oscillation, sur le va-et-vient, pour employer une expression vulgaire ; même pour l’observateur