Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de s’incliner devant cet énergique instrument, aussi utile dans la paix que dans les combats, pour lequel personne n’a pris de brevet, et qui est à la fois l’œuvre et la propriété de tout le monde.

Les esprits en quête de perfectionnemens ont été conduits par ces expériences à rechercher si c’était là leur dernier mot, ou s’il n’y aurait pas quelque chose de plus à en attendre. L’emploi du fer dans ces proportions inusitées n’est pas sans inconvénient pour les constructions navales. Les plaques de métal scellées par des boulons au doublage en bois, exercent sur lui une pression constante, même dans l’état d’immobilité, et ne fût-ce qu’en raison de la différence des pesanteurs ; cette pression s’accroît dans les fatigues de la merci sous la violence des vagues. De là un travail de destruction qui a lieu pour tout le matériel naval, mais qui ici doit acquérir une énergie plus grande. Puis, quelque forme que l’on donne à ces bâtimens pour les amener à plonger dans l’eau le moins possible et leur rendre l’accès des côtes plus facile et moins dangereux, il est évident que le poids du fer est un obstacle à ce que l’objet qu’on se propose soit pleinement atteint : ce métal, si efficace pour la défense, devient une gêne pour la liberté des mouvemens. Le problème serait donc de trouver une armure aussi résistante, mais plus légère, qui aurait tous les mérites du fer et n’en aurait pas les inconvéniens. Or cette armure existe, on l’a sous la main ; il s’agit simplement de remplacer le fer par l’acier forgé. La même substitution pourrait avoir lieu et avec le même avantage pour les cuirasses qui chargent le cavalier sans le préserver, et sont plutôt une parure qu’une défense. Dans ces divers emplois, l’acier forgé est incomparablement supérieur au fer ; des expériences multipliées l’attestent. Il y avait à l’exposition des cuirasses qui ont reçu trois et quatre balles dans le même pouce carré sans avoir été traversées. La supériorité du service est donc manifeste, et elle ne le serait pas moins pour les armures des batteries flottantes, qui, avec l’acier forgé, offriraient sous un moindre poids une force de résistance supérieure ou égale. Reste la question de dépense, et quand il s’agit de la vie et de la sûreté des hommes, c’est à peine si on ose la poser. D’ailleurs la dépense en toute chose n’est qu’un terme relatif et qui ne peut être séparé de la durée de l’objet ni des services qu’il rend. Il y a des dépenses qui, sous une prodigalité apparente, cachent une économie réelle ; c’est un rapport à établir, un calcul à faire ; on ne sait jamais ce que coûtent des instrumens qu’on croirait volontiers peu coûteux. Il semble d’ailleurs que cette opinion fait du chemin et acquiert chaque jour un crédit plus grand : en matière d’arts et « l’industrie, partout où il y a convenance à le faire, et le cas est fréquent, on s’accorde à préférer la matière supérieure à la matière inférieure, et dans cette direction