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On aurait vu alors quel écart existe entre la matière de l’une et de l’autre origine pour les fers en barres, pour les cornières, pour les tôles, pour les fontes, pour tout ce qui tient à la préparation du métal. Réduite à quelques fabricant isolés, l’exposition anglaise devait se perdre et se confondre avec la notre : elle n’offrait plus dès lors ni l’intérêt ni l’appui que l’on aurait pu y trouver. Cependant, quelque incomplète qu’en ait été la représentation, la métallurgie a fixé l’attention par quelques détails.

Avant ces derniers temps, le martelage du fer s’opérait à l’aide de martinets de forge dont on avait successivement élevé la puissance. Suffisans pour des pièces d’un volume déterminé, ces martinets ne l’étaient plus dès le moment que ce volume atteignait des proportions presque sans limites. C’est ce qui avait lieu notamment dans les arbres de couche destinés à l’hélice des vaisseaux à vapeur et pour le revêtement des batteries flottantes. On a pu se faire une idée des dimensions de ces pièces de métal dans l’exposition de MM. Jackson frères, Petin et Gaudet de Saint-Étienne, où figuraient l’arbre de couche de l’Eylau, vaisseau de ligne en construction, arbre à six coudes, du poids de 23,000 kilog., et une armure de batterie flottante de 11 centimètres d’épaisseur. Évidemment, pour de tels travaux, la puissance ordinaire n’eût pas suffi, et les martinets ne seraient arrivés qu’à des résultats lents et imparfaits. L’invention du marteau-pilon a répondu à ce besoin ; il est désormais l’âme de nos ateliers et y laissera une date. Rien n’égale l’énergie de cet engin, si ce n’est la docilité avec laquelle il la mesure aux services qu’on lui demande. C’est un énorme marteau que la force de la vapeur, servie par le mécanisme le plus simple, élève à une hauteur réglée, et qui retombe ensuite de tout son poids, soit dans le vide, soit dans une atmosphère combinée. On peut frapper ainsi, à l’aide du même instrument, ou un bloc énorme ou une médaille. On conçoit de quelle utilité il a dû être pour la construction de ces machines de guerre qui menacent d’une révolution prochaine l’art de l’attaque et de la défense des côtes. Personne aujourd’hui, après l’essai décisif de Kinburn, n’ignore ce que c’est qu’une batterie flottante : une tortue armée d’une carapace en fer et portant la foudre. Invulnérable ou à peu près, et d’un faible tirant d’eau, la batterie flottante peut s’embosser sous un fort ennemi et le détruire sans essuyer autre chose que des dommages insignifians. Devant son armure, le boulet creux éclate sans effet, et pour entamer le fer d’une manière sensible, il ne faut pas moins de quinze boulets pleins frappant sur le même mètre de revêtement. Telle est la découverte, et sans le marteau-pilon il est à croire qu’elle n’aurait pas abouti d’une manière aussi complète ni aussi prompte. C’est donc justice,