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auprès de cette éducation des producteurs mis en présence les uns des autres et s’éclairant par la vue et le rapprochement de leurs travaux respectifs. Le cérémonial dont elles sont accompagnées, la distribution des récompenses, n’en forment que la partie décorative ; ce qu’il en reste de plus fécond, ce sont les germes d’émulation déposés au fond des cœurs, le désir du progrès excité avec énergie et sachant à quoi s’appliquer, le souvenir des bons modèles et la volonté terme de ne pas leur rester inférieur.

À ce point de vue, les expositions générales sont un instrument bien plus puissant que ne peuvent l’être les expositions limitées à l’enceinte d’un état. Non-seulement l’étude des faits s’exerce alors de fabricant à fabricant, mais encore de nation à nation ; elle embrasse l’activité industrielle dans sa manifestation la plus complète. C’est ce qui a eu lieu à Londres en 1851, c’est ce qui vient de se passer à Paris. Jamais les forces productives de l’humanité n’avaient été groupées dans un si bel ensemble ni mises en parallèle avec un art si savant. Est-il maintenant nécessaire de comparer les deux expositions ? Chacune a eu son mérite, son caractère et sa physionomie. Londres avait l’avantage de la priorité, nous avions celui de l’expérience acquise. À Londres, c’était la spéculation privée qui seule faisait les frais et courait les chances de l’entreprise ; elle s’en est tirée à son honneur et y a trouvé d’énormes profits. À Paris, on avait imaginé une combinaison mixte, où l’action officielle dominait la spéculation privée, et qui comportait deux intérêts, deux volontés et deux directions. Plus d’un inconvénient est résulté de ce partage d’attributions, et aujourd’hui que ces faits sont du domaine de l’histoire, on peut dire que l’expérience n’a pas été heureuse. À Londres, c’est la puissance manufacturière qui l’emportait ; à Paris, c’est la délicatesse et la perfection de la main-d’œuvre. Si le Palais de Cristal était de beaucoup supérieur pour la quantité et l’importance des machines, les grandes industries textiles, les instrumens agricoles et les innombrables tributs du mouvement commercial, le palais des Champs-Elysées a offert dans une proportion bien plus forte les produits où la main de l’homme ne peut être suppléée, ceux que le luxe réclame comme étant de son domaine, où le crédit du nom français est établi de temps immémorial, et dans lesquels en aucun temps ni en aucun pays il n’a redouté ni essuyé de rivalité sérieuse. Il va sans dire que dans cette loi générale il y a des empiétemens,.et que sur plusieurs points les limites n’ont point été respectées. La France a fait plus d’une excursion heureuse dans la grande industrie, l’Angleterre n’a pas voulu rester étrangère au domaine du goût ; mais ces exceptions même ne servent qu’à confirmer cette distribution des rôles. Il est aisé de s’en convaincre en jetant un coup d’œil rapide