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ainsi dans la position la plus critique, ne sachant à qui s’adresser.

Haïreddin-Pacha, qui était bien disposé pour les chrétiens et qui n’approuvait pas la conduite d’Omer-Pacha à l’égard de l’Autriche, ne tarda pas à se prononcer contre lui, et en peu de temps les deux anciens amis devinrent des ennemis déclarés. Les journaux autrichiens d’Agram et de Trieste attaquèrent vivement l’administration de la Bosnie ; mais Haïreddin-Pacha était un des rares Turcs insensibles aux espiègleries de la presse : tout en regrettant que la conduite d’Omer-Pacha donnât lieu à des plaintes, il se tenait dans une complète neutralité. Cette indifférence causa de l’ombrage à Omer-Pa-cha, qui résolut de renverser Haïreddin-Pacha, ce qui ne lui fut pas difficile à cause de l’influence dont il jouissait près du grand-vizir. Haïreddin-Pacha fut rappelé en mai 1851, et Omer-Pacha resta seul gouverneur militaire et administrateur civil par intérim de la Bosnie. Après le départ d’Haïreddin-Pacha, la mésintelligence entre le consul-général d’Autriche et l’administration du pays ne fit qu’augmenter. Omer-Pacha reprochait au consul de fournir aux journaux autrichiens des appréciations hostiles à son administration, se plaignant à lui-même que les chrétiens bosniaques reçussent par l’entremise de son consulat des journaux serbes et croates rédigés dans un esprit défavorable à la Porte-Ottomane. Il lui déclara donc qu’il entendait lui interdire toute distribution de journaux et même tous moyens de correspondance entre les chrétiens bosniaques et les Slaves de l’Autriche, qu’enfin il regardait comme nuls et non avenus tous les privilèges que le gouverneur civil de la Bosnie avait accordés aux spéculateurs autrichiens[1]. Omer-Pacha prétendit que les gouverneurs civils n’avaient pas le droit d’accorder ces privilèges, d’autant plus que toutes ces exploitations atteignaient des bois de l’état, dont les pachas ne pouvaient pas disposer. Il objecta aussi que la présence des nombreux ouvriers slaves de l’Autriche nécessaires à ces grandes exploitations propageait le panslavisme parmi les chrétiens bosniaques. À part le défaut de mesure et de forme, il y avait beaucoup de vrai dans cette manière de raisonner d’Omer-Pacha, et tout ce qu’il faisait n’était pas contraire au droit ni surtout à la sécurité de son pays. Le consul-général d’Autriche voulut résister ; mais il fut invité à faire valoir ses droits à Constantinople. Il fit en effet des démarches, mais sans aucun résultat, car pendant toute la présence d’Omer-Pacha en Bosnie jusqu’au mois d’avril 1852, aucun changement ne vint faciliter les opérations du commerce autrichien. Cependant M. Athanascowitz se conduisit toujours envers

  1. Parmi ces privilèges, il y en avait d’importans, tels que la coupe des bois, les scieries sur la Narenta et la Save, les fabriques de potasse et la récolte des noix de galle.