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en considération des hauts protecteurs qu’Ali-Bey sut se procurer par le fruit de ses dilapidations, le commandant en chef dut lui accorder, à sa sortie du service militaire, un certificat de bravoure.

Après la campagne dont on vient de lire le récit, Omer-Pacha espérait avoir convaincu les Bosniaques de l’impossibilité de lutter avec avantage contre une armée bien organisée et bien commandée. On devait croire en effet qu’il en serait ainsi en voyant de tous les coins des montagnes arriver des chefs de rebelles qui donnaient des marques de repentir et faisaient leur soumission. Le général ottoman avait fait occuper les principaux points de la Bosnie, et l’organisation du pays allait commencer. Le 22 décembre 1850, le nouveau gouverneur civil, si longtemps attendu, arrivait de son côté à Serajevo. Omer-Pacha, qui retrouvait en lui un ancien ami, conçut les meilleures espérances sur la facilité que donnerait une bonne entente entre les administrations civile et militaire pour opérer la pacification et l’organisation définitive de la Bosnie, avec d’autant plus de promptitude qu’Haïreddin-Pacha avait la réputation d’un homme sévère et honnête.

Haïreddin-Pacha, qui était venu par l’Adriatique, avait traversé l’Herzégovine pour arriver en Bosnie. Il fut retenu avec toute sa suite par Ali-Pacha Stolatchovitz, sous le prétexte que les Herzégoviens étaient en révolte. Plus tard, lorsque la nouvelle des victoires d’Omer-Pacha arriva à Bihatch, Haïreddin-Pacha continua son voyage par des chemins détournés, avec une nombreuse escorte, jusqu’à Serajevo. Il confirma à Omer-Pacha un fait dont celui-ci ne doutait pas, à savoir qu’Ali-Pacha Stolatchovitz, malgré ses protestations, était l’âme des meneurs qui agitaient l’Herzégovine. Ali-Pacha prétendait qu’il ne pouvait soumettre la révolution avec ses propres ressources, et il n’osait pas, ajoutait-il, remplir les promesses qu’il avait faites à Omer-Pacha, parce que lui et sa famille couraient le danger d’être exterminés par les insurgés, à la tête desquels se trouvait son ancien kavas-bachi Méhémed. La conduite hypocrite d’Ali-Pacha Stolatchovitz aurait donné peu de soucis à Omer-Pacha sans le bruit qui commençait à se répandre que la Craïne préparait une nouvelle levée de boucliers, dont Ali-Keditch était le chef. Cette circonstance décida Omer-Pacha à envoyer l’ordre à Iskender-Bey, commandant du petit corps d’observation à Coénitza, sur la frontière de l’Herzégovine, de se préparer à forcer les passages dans les gorges des montagnes occupées par les Herzégoviens.

Iskender-Bey, aujourd’hui lskender-Pacha, est Polonais de naissance. Il se nomme le comte Hinski, d’une famille noble de l’Ukraine, qui donnait depuis longtemps des hetmans aux Cosaques. Il prit part, fort jeune encore, au soulèvement de la Pologne en 1831, et