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paiement d’anciennes contributions arriérées. Ces officiers avaient l’ordre secret d’irriter les pachas afin de les forcer à jeter le masque. Cette ruse réussit pleinement. Kadyr-Bey, lieutenant-colonel, joua si bien son rôle à Tousla, qu’il faillit y perdre la vie la seconde nuit de son arrivée, et qu’il échappa avec peine aux rebelles en se réfugiant en Serbie. Il perdit trois hommes de son escorte. Huit jours après, la plus grande partie de la Bosnie était soulevée. Les habitans de la Craïne se rassemblèrent à Bania-Luca pour prendre position à Jaïtza. Les Passaviniens, ou habitans de la rive droite du Verbas jusqu’à la frontière de Serbie, devaient marcher avec les Bosniaques du sud de Novibazar sur Serajevo pour cerner le giaour pacha et l’anéantir. Les Herzégoviens, de leur côté, gardaient leur frontière pour s’opposer à l’entrée des troupes impériales. Omer-Pacha, exactement informé des forces et des plans des rebelles, s’était préparé en silence. Il renforça le faible bataillon qui était en garnison à Coénitza, sur la frontière de l’Herzégovine, de deux cents hommes et de trois canons, et mit cette garnison sous le commandement d’Ibrahim-Pacha, dit Toufektchi, qu’il chargeait d’occuper une position forte près de Coénitza, et de ne l’abandonner dans aucun cas. Il le pourvut de vivres pour un mois. Il envoya un régiment de cavalerie, avec deux canons, à Jaïtza, sous le commandement d’Ali-Saroch-Pacha, avec ordre d’empêcher l’occupation de Jaïtza par les Bosniaques, de s’y établir, et, s’il était possible, d’avancer jusqu’à Bania-Luca pour observer et occuper la colonne des Craïniens. Dans le cas où les Bosniaques abandonneraient Bania-Luca, Ali-Saroch-Pacha devait y prendre position, menacer la ville de pillage et d’incendie, et au besoin mettre ces menaces à exécution. Le lendemain, quatre compagnies se mirent en marche par Travnik pour occuper Jaïtza et voir si Ali-Saroch-Pacha pourrait exécuter sa marche sur Bania-Luca. Un seul bataillon resta en garnison à Travnik ; il devait mettre le feu aux quatre coins de la ville, si elle se montrait hostile. De Iéni-Bazar, on n’avait aucune attaque à craindre, parce que tous les hommes en état de porter les armes s’étaient rendus à Tousla, où était le corps principal des révoltés, et parce que deux mille Albanais irréguliers, arrivant de l’Albanie, se dirigeaient de ce côté. Ils devaient laisser cinq cents hommes en garnison à Iéni-Bazar, et le reste devait continuer sa marche vers la frontière serbe jusqu’à Tousla.

Aussitôt qu’Omer-Pacha se fut assuré qu’Ibrahim-Toufeklchi-Pacha s’était emparé de la position qu’il lui avait indiquée près de Coénitza, et qu’Ali-Saroch-Pacha avait quitté Jaïtza après s’en être rendu maître, il partit de Serajevo avec cinq bataillons complets, quatre canons, deux escadrons de hussards et cent Albanais, en tout