Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrivant à Iéni-Bazar le 13 juin 1850, il était déjà au courant de tout ce qui se passait non-seulement en Bosnie, mais encore dans les provinces voisines, notamment en Bulgarie, où il s’attendait d’un moment à l’autre à faire une excursion. Dès son arrivée, tous les pachas civils, beys, mussélims et cadis, tous les principaux employés et prêtres des provinces de Bosnie et d’Herzégovine furent imités à se rendre à Serajevo, capitale de la Bosnie, pour y former une assemblée, y apprendre les volontés de la Sublime-Porte et se concerter sur les moyens de les mettre à exécution. En même temps le commandant des troupes concentrées à Serajevo avait reçu l’ordre secret d’obliger tous les membres de l’assemblée qui avait été convoquée à occuper des tentes dans l’intérieur du camp même, et de les tenir sous la surveillance militaire.

Omer-Pacha n’avait eu que trop raison de se tenir prêt à faire une excursion en Bulgarie. Au moment où il pénétrait sur le territoire bosniaque, un mouvement des chrétiens bulgares autour de Widdin, Nissa et Liscovatch venait susciter de nouveaux embarras à la Porte. Le muchir, conformément à des instructions secrètes, dut se rendre en Bulgarie pour comprimer le soulèvement. Il quitta, dans la nuit du 26 juin 1850, la ville de Iéni-Bazar avec deux bataillons d’infanterie et deux escadrons de lanciers, s’avança à marches forcées à’ travers les forêts par Cassova et Coursumblia, et entra inopinément le quatrième jour à Nissa. Plusieurs des individus les plus compromis dans l’insurrection n’eurent que le temps de quitter la ville et de se réfugier sur le territoire serbe. Omer-Pacha donna l’ordre de rechercher plusieurs fugitifs jusque dans leurs retraites au fond des forêts de Procup, Cuménitza, Liscovatch, et sur la frontière de Serbie, près de Widdin. Ces fugitifs furent ramenés à Nissa pour rendre compte de leur conduite, et condamnés à envoyer une députation à Constantinople pour y exposer leurs griefs. Ce soulèvement, qui n’avait pas laissé d’être sérieux, n’était cependant pas arrivé au point de justifier des accusations malveillantes contre les populations des contrées où il avait éclaté. Les habitans de Liscovatch et d’autres lieux avaient déjà précédemment, en s’appuyant sur les principes mêmes du tanzimat, sollicité la suppression de nombreux abus ; mais toutes leurs prières avaient été passées sous silence et leurs pétitions supprimées par les pachas de Nissa et de Widdin. Tel était l’état des choses, lorsqu’au printemps de 1850 les paysans de Nissa et de Liscovatch s’étaient plaints aux pachas de Widdin et de Nissa des injustices et de l’oppression des employés turcs. Ils avaient été dispersés, et la députation qu’ils voulaient envoyer à Constantinople avait été arrêtée en chemin. Les pachas avaient fait savoir à cette époque à tous les chrétiens que, s’ils continuaient