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Omer-Pacha put en même temps espérer qu’on le laisserait par la suite libre d’agir d’après ses propres inspirations.

On a beaucoup parlé des abus que crée le despotisme ministériel dans un gouvernement parlementaire ; mais ce despotisme devient une monstruosité sous une monarchie absolue comme celle des sultans. Au moins, sous le gouvernement parlementaire, les ministres portent le poids de la responsabilité et peuvent être attaqués par droit de légitime défense ; mais quand la souveraineté réside tout entière, soit par la force des traditions, soit par le vœu des peuples, dans la main du monarque, toute sécurité disparaît, s’il n’est pas la fontaine de grâce et de justice même contre les instrumens de son propre pouvoir.

Omer-Pacha se soumit à la nécessité, adouci par les paroles flatteuses du sultan, l’un des hommes dont les manières ont le plus de grandeur simple et de grâce souveraine. Il consentit à suivre les plans qu’on lui proposait, et quitta Constantinople le 10 mai 1850, accompagné de trente officiers polonais et hongrois, mais sans connaître même les forces placées sous son commandement. Après s’être rendu d’abord à Monastir, siège de son pachalick militaire, et y avoir réglé ses affaires particulières, il partit pour Pristina, où, d’après les avis du ministère de la guerre, il devait trouver son corps d’armée concentré. Chemin faisant, il recueillit quelques données sur les bataillons qui l’attendaient, et, arrivé à Pristina, il sut à quoi s’en tenir sur la force de ces troupes et sur l’état où elles se trouvaient. Onze bataillons d’infanterie formant un effectif de huit mille deux cents hommes, deux régimens de cavalerie, huit canons de différens calibres et deux cent cinquante artilleurs, en tout environ dix mille hommes, ici était l’effectif réuni à Pristina. En Bosnie, Omer-Pacha devait trouver encore quatre mille hommes, ce qui porterait son armée à quatorze mille hommes, avec lesquels il devait occuper cette province.

Ces forces lui semblèrent insuffisantes. Les munitions étaient en abondance : l’infanterie était assez bien équipée, l’artillerie également ; mais la cavalerie était presque hors d’état de servir. Sur ces entrefaites, Tahir-Pacha était mort le 12 mai 1851, — naturellement, disent les uns, — de colère et de rage, disent les autres, — de poison, prétendent les mieux informés. On doit dire cependant que ce genre d’exécution est beaucoup moins à la mode maintenant en Orient. On y assassine bien quelquefois, mais les meurtres officiels y sont devenus rares. Quoi qu’il en soit, la Bosnie se trouvait sans gouverneur. Les pachas indigènes et les beys voulurent mettre à profit cette circonstance pour maintenir l’ancien état de choses. Les plus résolus d’entre eux, Fazli et Mahmoud-Pacha, sollicitèrent de nouveau