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I. — LES VILLES ET LES TERRITOIRES HABITES DE LA REGENCE DE TRIPOLI.

Le territoire de l’ancienne régence de Tripoli comprend, de l’est à l’ouest, les contrées désignées il y a plusieurs siècles sous les dénominations de Cyrénaïque, Subventana ou Tripolitana, pays des Psylles et des Garamantes. Il s’étend au sud jusqu’au tropique du cancer, à plus de deux cent lieues de la ville de Tripoli, et par conséquent bien au-delà des limites méridionales de L’Algérie, de Tunis et même de l’empire du Maroc. Il présente sur la Méditerranée un développement de côtes de trois cent cinquante à quatre cents lieues, coupé vers le milieu par le célèbre golfe de la Grande-Syrte. Cette superficie territoriale, plus considérable que celle des plus grands états de l’Europe, la Russie exceptée, n’offre, il est vrai, qu’une quantité assez restreinte de localités habitables, séparées par de vastes solitudes où il serait aussi difficile à l’administration la meilleure et la plus perfectionnée de faire vivre des hommes qu’il est impossible à la nature d’y faire pousser des arbres.

Les contrées habitées et habitables forment quatre groupes, celui de la Cyrénaïque et des oasis lybiennes, celui de Tripoli, celui de Gadamès, celui du Fezzan.

La Cyrénaïque, ou l’ancienne pentapole grecque, est formée des plateaux, des flancs et des vallées d’un admirable massif de montagnes désigné par les Arabes sous le nom, parfaitement justifié, de Djebel-Akhdar (la montagne verte). Que ceux qui connaissent l’Algérie se figurent, sur une plus grande échelle, les collines de Moustapha et le mont Bouzaréa, près de la capitale de notre belle colonie, et ils auront une idée exacte de cette délicieuse contrée. Il existe même un rapprochement dans les noms, car le premier plateau qu’on rencontre dans la Cyrénaïque en arrivant du côté de l’Egypte s’appelle aussi Zaréa. De là au plateau qui domine Bengazi, à soixante lieue à l’est, règne une suite de gorges et de vallons débouchant sur la mer, tous surchargés d’une vigoureuse végétation et rafraîchis par d’innombrables sources et de pittoresques cascades. Ces vallons et ces gorges partent tous du plateau cyrénéen, qui couronne le Djebel-Akhdar; mais ce plateau même n’a pas la monotonie d’une plaine : il est sillonné par de vastes ondulations, qui forment entre elles des vallées peu profondes et parfaitement propres à la culture des céréales, ainsi qu’à l’élève du bétail. A mesure qu’on s’avance vers le sud, les ondulations deviennent moins marquées, les vallées moins dessinées, et enfin les pontes, s’abaissant toujours, viennent se terminer brusquement a une ligne de falaises qui borne de ce côté la région des oasis lybiennes. Cette