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du roi Othon n’aiment pas les Turcs, cela se conçoit, et il n’y a point à s’en étonner. Avant de signaler avec tant de zèle cependant le désordre des provinces ottomanes, il faudrait que le royaume hellénique parvint à se purger du brigandage qui le dévaste et qui menace le gouvernement lui-même : c’est là une œuvre sérieuse et plus sensée que cette triste politique sur laquelle il faut avoir l’œil sans cesse pour que la complicité clandestine ne devienne pas une complicité directe et avouée.

La lumière se fait jour de plus en plus sur la dernière révolution qui s’est accomplie à Montevideo, sur les intrigues qui l’ont préparée et sur les projets dont elle devait faciliter l’exécution. Heureusement la guerre civile a été pour le moment conjurée ; un gouvernement, national dans son origine comme dans ses tendances, provisoire, il est vrai, a remplacé le pouvoir constitutionnel que la légalité n’a pu sauver. Il s’est rétabli une apparence d’ordre ; quelques élémens, dont l’union pourrait servir un jour à la réorganisation du pays, se sont rapprochés sous la pression d’un grand danger, et ce qui est encore plus important, la situation a provoqué une espèce d’intervention étrangère ; parfaitement désintéressée, qui, sans autres moyens d’action que la force morale, s’est fait accepter et compter par tous, a exercé une influence décisive du caractère le plus honorable, et a peut-être jeté les bases d’un accord européen trop longtemps ajourné, pour préserver la République Orientale des périls qu’elle a laissés s’aggraver dans son sein et autour d’elle. C’est contre l’ambition brésilienne, il faut bien le dire, qu’est dirigé ce qui s’est fait et ce qui reste encore à faire. Nous souhaitons qu’on le comprenne enfin à Rio-Janeiro. Ce pays, qui a des déserts immenses à peupler et à féconder par le travail, doit, selon les expressions d’un journal de Montevideo, cesser de rêver des conquêtes sur une nationalité qui le repousse, consacrer ses trésors à rendre ses fleuves navigables et à relier ses provinces entre elles, au lieu d’augmenter outre mesure ses forces de terre et de mer pour inquiéter ses voisins, et renoncer de bonne foi à des projets impolitiques et injustes auxquels il a déjà trop sacrifié. Malheureusement le Brésil est dans une mauvaise voie depuis la coalition de 1850, qui a renversé le pouvoir du général Rosas à Buenos-Ayres, et dont il a ensuite cherché à tirer parti dans l’intérêt exclusif de sa politique envahissante. Les derniers événemens de Montevideo ne le prouvent que trop.

En effet, il n’est plus permis de douter que les troubles du 28 août, qui ont amené la retraite du général Florès, n’aient été directement fomentés par le ministre brésilien, M. le docteur Amaral, qui lui-même ne devait suivre en matière aussi grave que les inspirations de son gouvernement. Les révélations contenues à cet égard dans le message d’abdication du président, en date du 9 septembre, sont accablantes. La publication de la brochure toute brésilienne de M. Andréa Lamas avait été le manifeste de la conspiration ; puis les violences d’une presse dévouée au Brésil avaient forcé le gouvernement à prendre quelques mesures défensives que la commission permanente du congrès avait sanctionnées. M. Amaral s’est déclaré ouvertement pour une opposition factieuse dont les desseins n’étaient plus un mystère, et qui affichait la résolution de renverser sans retard le pouvoir constitutionnel du général Florès. Celui-ci, à qui tout le plan de ses ennemis avait été révélé par des avis secrets envoyés de Rio-Janeiro même, et qui voyait leur