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de Halley, de Biéla, de Encke et de Faye. La première, qui nous revient tous les soixante-dix-sept ans, et qui depuis l’an 11 avant noire ère jusqu’en 1835 a reparu vingt-quatre fois, a mêlé son histoire à celle de l’humanité. L’an 1066, elle favorisait la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie.


Normanni invadunt stellâ monstrante cometâ.


En 1456, elle effrayait également les Turcs et les chrétiens, et faisait instituer notre Angélus de midi. Enfin, en 1759 et en 1835, elle confirmait les lois de l’attraction newtonienne. Celle de Biéla est remarquable par cette circonstance qu’elle s’est dernièrement partagés en deux morceaux qui vont se séparant de plus en plus à chaque retour au soleil, et finiront sans doute par faire deux comètes distinctes. Les deux autres comètes n’offrent rien d’extraordinaire que le peu de durée de leur révolution, laquelle durée est d’un peu plus de trois ans pour la comète de Encke, et d’environ sept ans et demi pour la comète de Faye. Celle de Biéla fait le tour du soleil en six ans et demi.

En ouvrant les livres de compilation astronomique, et notamment le Cosmos de M. de Humholdt et les Outlines of astronomy de sir John Herschel, on trouvera d’autres comètes indiquées comme périodiques, mais sans qu’une réapparition observée soit venue donner la sanction de l’expérience aux présomptions du calcul. Tel est le cas de la comète de Vico. Cet astronome, de la société de Jésus, qui observait à Rome et qu’une mort prématurée a enlevé à ses travaux, trouva en 1844 une comète télescopique qui ensuite fut visible à l’œil nu, et que, bientôt après sa découverte, M. Faye, en France, reconnut comme périodique et devant reparaître au bout de cinq ans et demi. Ce devait être dans le printemps de 1850, mais la comète était alors indiquée comme si faible, qu’il n’y avait aucune chance de l’apercevoir, car elle était moins favorablement située qu’elle ne l’était quand, dans la précédente révolution, on avait cessé de l’apercevoir avec les plus forts télescopes d’Europe et d’Amérique. Mais pour 1855, son retour calculé par M. Brünnow devait la ramener sous le soleil le 6 août, et même la rendre visible à l’œil nu. Or les astronomes, guidés par les éphémérides calculées à l’avance, n’ont pu ni l’observer ni même l’apercevoir. C’est donc un fait bien établi que la comète de Vico est perdue sans retour. Lorsque la mort vint terminer la carrière de cet actif observateur, tout le monde le plaignait de n’avoir pas vécu assez longtemps pour revoir la comète qui portait son nom. S’il eut vécu, c’eût été pour avoir une déception, car son astre a complètement disparu du ciel. Voici la raison que l’on peut donner de ce fait si extraordinaire.

Au moment où une comète descend vers le soleil pour en raser presque la surface, la matière légère qui compose cet astre se tire en longueur, en vertu de l’action du soleil, qui ne plie pas également toutes les parties dont se compose la comète, et comme cette masse très légère n’a pas beaucoup de force pour retenir énergiquement ses diverses parties, il en résulte qu’elles cèdent inégalement à l’influence du soleil qui les dilate en queues, en chevelures et en appendices souvent multiples. Comme ces queues se forment aux dépens de la substance même de l’astre, il est évident que si subséquemment