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battage ? Il tend à devenir une industrie à part, comme celle du meunier, du boulanger et du forgeron. Des entrepreneurs spéciaux achètent une machine et battent pour le public, moyennant un prix convenu, soit qu’on transporte les gerbes chez eux, soit qu’ils se transportent eux-mêmes de ferme en ferme, selon les circonstances. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la moisson ? Il faudrait sans doute plus de moissonneuses que de batteuses, parce que le travail arrive tout à la fois ; mais en dépêchant 6 hectares par jour, chaque machine en abattra assez en temps utile pour donner du profit.

L’application de la vapeur à l’agriculture commence à pénétrer parmi nous. Tout le monde peut voir fonctionner des locomobiles à vapeur françaises. M. Calla entre autres en a exposé une, de trois chevaux seulement de force, qui est un véritable bijou. Ces locomotives ne sont inférieures en aucun point aux anglaises ; seulement, quand nos fabricans en vendent une, les fabricans anglais en vendent cent. La maison Clayton et Shuttleworth, de Lincoln, en expédie à elle seule deux par jour. Je regrette qu’on n’ait pas jugé à propos de faire paraître à l’exposition une invention qui paraît avoir eu du succès cette année en Angleterre : c’est une locomobile qui porte avec elle un chemin de fer sans fin destiné à la soutenir, ce qui lui permet de marcher sans enfoncer sur un terrain meuble et détrempé.

Les engrais commerciaux sont comme un autre genre de machines ayant pour effet d’augmenter la puissance du sol. Le plus actif est le guano du Pérou ; l’expérience a prouvé qu’une tonne de cet engrais merveilleux peut produire 100 hectolitres de blé. La France n’en achète cependant qu’une quantité insignifiante, presque toute employée dans le seul département de Seine-et-Marne. Un document présenté au corps législatif a constaté que, dans le premier semestre de 1854, sur 223, 000 tonnes de guano extraits des îles Chincha, 113, 000 ont été importés en Angleterre, 98, 000 aux États-Unis et 5, 688 seulement en France ; l’Espagne en a reçu tout autant. Malgré cette indifférence pour le vrai guano, la France a imaginé la première de faire avec des débris de poisson du guano artificiel. Ce nouvel engrais figure à l’exposition, où il mérite toute l’attention des cultivateurs : c’est une des idées les plus fécondes ; l’engrais de poisson revient un peu moins cher que le guano péruvien, et on peut en produire en quelque sorte à l’infini.

M. le marquis de Bryas (Gironde) et M. le vicomte de Rougé (Aisne) ont exposé chacun un spécimen de drainage. Tous deux ont en effet exécuté de grands travaux de ce genre. Ces deux témoignages venus des deux bouts de la France, accompagnés d’envois de tuyaux et d’instrumens à drainer de plusieurs autres points, montrent que le drainage est maintenant naturalisé chez nous. On aurait pu croire