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de Mlle Blandine, — Espérit comme les autres. — Il poussa droit jusqu’au château des Saffras. Espérit était absent. Cabantoux travaillait dans la cour, Bélésis arrosait les plates-bandes. Le fadad ne sut dire ce qu’était devenu Espérit, il s’en informa près de Bélésis puis, sans prendre conseil du lieutenant, il sella l’ânesse. — Partez, partez au plus vite, lui dit-il en lui remettant la bride ; j’ai mon travail, Bélésis vous conduira.

— Mais où m’envoie-t-on ? dit le lieutenant.

— On ! ne craignez rien, Bélésis sait sa route tout aussi bien que la Cadette.

Le lieutenant tenta de s’expliquer avec Bélésis, mais il lui fut impossible de rien comprendre aux gestes précipités du muet. Comme il n’avait rien de mieux à faire, il se laissa conduire les yeux fermés jusqu’au lavoir de Seyanne. Là ils furent rejoints par Cabantoux, qui les avait suivis de loin. Le lieutenant voulait descendre ; il expliqua au fadad qu’il désirait voir Espérit chez lui et non chez des étrangers, Cabantoux, qui ne comprenait rien à ces distinctions, prit la Cadette par la bride et la conduisit dans la rue des Sendric. — Oh ! vous le trouverez, disait-il. Voici Spiriton.

Espérit vint à leur rencontre avec Marcel. On entra dans la boulangerie. Le bonhomme Cazalis avait grand plaisir à revoir Marcel, mais une visite chez les Sendric lui paraissait une démarche bien hardie, bien grave : au point où en étaient les choses, il redoutait de s’engager, et lui, qui avait tant osé à la Pioline, il tremblait en pensant aux terribles reproches qu’il aurait à subir de Mlle Blandine. Il se promit de faire une très courte visite, Espérit le retint jusqu’à l’arrivée de la Damiane. Devant la Sendrique, il était embarrassé de sa personne, et comme Espérit s’était mis à lui parler des machines du Mitamat, pour se mettre à l’aise tout autant que par obligeance naturelle, le lieutenant demanda à visiter le hangar et le laboratoire. Les travaux de Marcel étaient assez avancés, et déjà quelques machines du Mitamat étaient à demi montées. De très belles études étaient tracées sur le mur. Il y avait aussi un très grand nombre de dessins de mécaniques que Marcel avait rapportés de ses voyages.

— Comme le siècle marche ! disait le lieutenant en étudiant de près les coupes et les profils de toutes ces machines nouvelles dont lui avait parlé si souvent sa gazette. Il prit surtout un grand intérêt à tout ce qui concernait son ancien métier. Il était émerveillé de toutes ces inventions qui ont transformé la marine moderne. Marcel lui en donnait des explications très claires. Le lieutenant s’animait à cette causerie. Depuis qu’il était à terre, il n’avait plus ouvert un livre de science ni touché un compas. En visitant le laboratoire de Marcel, à la vue des quarts de cercle, des octans, des boussoles