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données : il n’est plus seul. Ce qu’il n’a pu faire avec ses bras, il peut désormais l’accomplir par des machines qui décuplent ou centuplent son action ; il a de plus découvert des procédés qui transforment le sol de fond en comble, soit par des engrais naturels ou artificiels, soit par des travaux de défoncement, d’assainissement et d’irrigation, et il a appris à modifier à son gré les espèces végétales et animales, pour les approprier à ses besoins. L’agriculture peut n’être plus l’œuvre ingrate de l’ignorance et de la pauvreté ; la science et l’industrie lui ouvrent de nouveaux horizons, et il dépend de chaque peuple de s’y précipiter.

La fabrication des machines aratoires fait évidemment des progrès en France. On compte cent cinquante exposans nationaux de cette catégorie, et il s’en faut bien que tous nos ateliers soient représentés. Une de nos plus importantes et plus anciennes fabriques, celle qui porte encore le nom de Dombasle, n’a rien envoyé. Une foule de charrons de campagne, qui commencent à construire assez bien des instrumens perfectionnés, manquent aussi. En revanche, les écoles d’agriculture de Grignon et de Grand-Jouan, la ferme-école du Mesnil-Saint-Firmin, la colonie agricole de Mettray, les ateliers de nos constructeurs les plus renommés ont fourni un remarquable contingent. Malgré ces efforts persévérans, les machines anglaises et américaines l’emportent encore. Les Belges eux-mêmes, avec leur agriculture plus morcelée que la nôtre, ont trouvé moyen de nous dépassera quelques égards. Parmi les autres nations, le célèbre institut agricole de Hohenheim (Wurtemberg) nous a offert une collection complète de ses instrumens, qui peut nous donner quelques indications utiles.

De tous ces outils, le plus nécessaire est en même temps le plus difficile à perfectionner ; il n’y a pas de charrue parfaite, et on peut même douter qu’il soit possible d’en trouver une qui satisfasse à toutes les conditions. Néanmoins, comme les efforts tentés jusqu’ici pour remplacer cet instrument primitif ont échoué, il faut bien continuer à s’en servir en l’améliorant le plus possible. Toutes les charrues ont été essayées par le jury ; celles qui ont paru faire le meilleur travail avec le moins de tirage ont été l’anglaise de Howard, l’américaine de Bingham, la belge d’Odeurs, et la française de Grignon. Comme l’expérience n’a révélé dans aucune une supériorité bien marquée, il est probable que chaque nation gardera la sienne. Ce qu’il y a de défectueux et d’imparfait dans le travail de la charrue oblige à se servir d’autres instrumens pour le compléter ; tels sont les scarificateurs, les fouilleuses, les herses et les rouleaux. Pour les uns et les autres, la supériorité des Anglais est incontestée. Rien ne vaut la bineuse de Garrett, l’extirpateur de Coleman, la herse norvégienne et le rouleau brise-mottes de Crosskill. Ces