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provient presque tout entière des troupeaux indigènes, qui comptent de 7 à 8 millions de tries. Arabes et kabyles ont, sans aucun doute, des procédés de production aussi barbares qu’eux ; mais après tout, comme ils sont au nombre de 2 à 3 millions, tandis qu’on n’a pu installer en Afrique, après vingt-cinq ans d’efforts, qu’environ 25,000 cultivateurs européens, ce sont eux qui senties principaux et presque les seuls producteurs ruraux. Les huiles, les tabacs, les céréales, c’est-à-dire les produits réels, car les autres ne sont encore que des espérances, viennent d’eux en grande partie, aussi bien que les laines. Il faut rendre cette justice à l’administration que, tout en exagérant en apparence ses préférences pour les colons, elle n’oublie pas les indigènes. Elle est plus juste et plus libérale envers eux que ne semblerait l’indiquer l’exposition à peu près exclusive des produits coloniaux. Les uns sont un peu pour la montre, les autres pour la réalité. D’un côté, la qualité éblouissante, mais le très petit nombre : de l’autre, la grossièreté, compensée par la quantité au moins relative. Il n’est plus question, Dieu merci, d’extermination ; les indigènes, traités avec bienveillance, admis à tous les concours, peuvent s’instruire et s’enrichir à notre école. Cette politique a un double effet, elle assied la pacification sur sa véritable base, qui est l’intérêt des indigènes, et elle accélère la seule production rurale qui ait jusqu’ici quelque importance.

Je souhaite que les bras et les capitaux de l’Europe émigrent en abondance en Afrique, mais, à parler franchement, je n’y compte guère ; l’Europe n’a pas trop de ses capitaux pour elle-même, et ses bras surabondans trouvent ailleurs un emploi plus fructueux. Dans tous les cas, que l’émigration européenne devienne nombreuse ou non, ce que l’Algérie a de mieux à faire, c’est de chercher chez elle ses principaux moyens de progrès. Le plus grand est le bétail. Je ne lui dirai pas tout à fait comme La Fontaine :


Le trop d’expédients peut gâter une affaire ;
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
        N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon !


Je crois cependant que le plus simple, comme le plus sûr, est de battre un peu moins les quatre coins du monde et de s’en tenir un peu plus aux entreprises qui se présentent naturellement. Rien n’est plus facile que de doubler la production actuelle du bétail. Il suffit d’enseigner aux Arabes l’art de faire du foin, qu’ils ignoraient ; leurs animaux périssaient par milliers, parce qu’ils n’avaient rien à leur donner eu temps de sécheresse. Puis viendront l’établissement de quelques abris pour défendre les troupeaux de l’excès de la chaleur, le perfectionnement des races par des croisemens ou plutôt des