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que produit la France et aux autres 100 millions qu’elle importe tous les ans. L’administration n’a pourtant rien négligé pour propager ce produit ; outre l’achat des récoltes au-dessus du cours, on distribue gratuitement les plants de mûrier et la graine de vers.

L’olivier, le tabac et les fruits donnent de meilleurs résultats. L’Algérie a récolté en 1854 pour 12 millions d’huile d’olive. À la bonne heure, voilà un produit, et qui promet de s’accroître vite, car l’olivier y vient naturellement partout. Le tabac a le même succès, et la fabrication des cigares a pris un grand essor. Les oranges de Blidah arrivent maintenant jusqu’à Paris ; soit pour les fruits frais, soit pour les confits, il est évident que l’Afrique a devant elle un bel avenir. Elle commence à faire d’assez bons vins. Sans doute aussi, elle tirera profit de quelques-unes de ces plantes oléagineuses, textiles, tinctoriales ou autres, qui sont maintenant à l’état d’essai. Le crin végétal, extrait du palmier nain, est une invention aussi utile qu’ingénieuse.

Je m’étonne que, dans cette nombreuse nomenclature, on ne voie figurer à peu près nulle part les produits animaux. Les colons européens, c’est pénible à dire, n’ont que très peu de bétail : 5,000 chevaux, 3,000 mulets, 20,000 bœufs ou vaches, 25,000 moutons, 12,000 chèvres, 8,000 porcs, c’est trop peu. On doit pourtant finir par comprendre que l’Algérie ne fait pas exception à la règle générale, et que là comme ailleurs il n’y a pas de bonne culture sans bétail. Que, dans les premières illusions qui ont suivi la conquête, on se soit imaginé que cette terre privilégiée pouvait se passer de tout, je le comprends ; mais la rude leçon de l’expérience est venue, et il n’est plus permis d’ignorer que les lois de l’économie rurale européenne s’appliquent à l’Algérie, qui n’est pas aussi différente de l’Europe qu’on le croyait d’abord. Cette négligence est d’autant plus regrettable, que l’exemple des indigènes, dont toute la richesse est dans leurs troupeaux, aurait dû nous éclairer. Nous avons su, dès le premier jour, que cette terre portait en abondance une herbe nutritive. La végétation spontanée, le manque de bras, le défaut de routes, tout pousse à l’industrie pastorale. J’admets que d’autres causes aient développé autour des villes la culture jardinière : l’une n’exclut pas l’autre. La culture jardinière a des bornes très étroites dans un pays où les bras européens manquent, tandis que la culture pastorale, qui économise les bras pour utiliser les vastes espaces, peut s’étendre à volonté sur un sol sauvage.

Heureusement, ce que les Européens ne font pas assez, les indigènes commencent à le faire. Parmi les produits animaux, il en est un, la laine, qui figure déjà parmi les principales richesses de l’Algérie, puisqu’on peut évaluer la récolte annuelle à 15 millions ; elle