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méthode d’induction n’existerait pas ; la physique se ferait à coups de syllogismes, et il faudrait étudier l’astronomie, non dans le ciel, mais dans saint Thomas. Est-ce là ce que le père Gratry nous propose ? Dans ce cas même, sa thèse sur l’identité du procédé des sciences physiques avec celui de la métaphysique serait fausse, puisque la physique, au lieu de s’élancer du particulier à l’universel, du fini à l’infini, descendrait au contraire de l’universel et de l’infini au fini et au particulier.

Nous voilà donc forcé de conclure que le savant oratorien (et cela peut-il se dire sans quelque embarras ?) a complètement défiguré le procédé inductif. Aussi bien il déclare que son induction n’est pas celle de Bacon, qu’il appelle avec dédain un pur tâtonnement. J’en demande bien pardon au père Gratry, l’induction qu’il repousse est celle de Newton, de Lavoisier, de Volta, de Cuvier, de Berzélius, et celle qu’il propose est morte avec le moyen âge. Il ne la ressuscitera pas.


IV

Je crains bien aussi que le procédé infinitésimal, tel que le conçoit le père Gratry, ne soit pas le procédé de Leibnitz, mais un procédé de récente formation. Et ici mon embarras redouble, car il s’agit de hautes mathématiques, et je ne suis qu’un profane écrivant pour des profanes ; mais s’il y a quelque indiscrétion dans cette affaire, j’en renvoie la responsabilité au père Gratry, qui assure que le procédé infinitésimal est un procédé très simple, très familier, qu’on peut rendre aisément accessible à tout esprit un peu cultivé. Au surplus, rien ne nous oblige d’entrer à fond dans la métaphysique de ce calcul. Il suffit de donner une idée claire et précise de ce que les mathématiciens entendent par l’infiniment petit et l’infiniment grand. Toute la question entre le père Gratry et nous est de savoir ce que c’est que l’infini en mathématiques, si cet infini est identique à l’infini des métaphysiciens, s’il est considéré au même point de vue, s’il a la même valeur, s’il est atteint par la même opération de la pensée.

Le père du calcul infinitésimal, Leibnitz, dit quelque part : Mon calcul donne le moyen d’opérer la quadrature des courbes. Ce mot va nous fournir un premier aperçu, un commencement de clarté. On peut en effet considérer la découverte de Leibnitz comme donnant, avec beaucoup d’autres choses, une méthode pour ramener les lignes courbes à des assemblages de lignes droites. Chacun comprend de quoi il s’agit dans la géométrie des courbes : il s’agit du cercle, de l’ellipse, de la parabole. On veut connaître ces courbes.