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formule : L’induction, dit-il, est une marche régulière du particulier à l’universel[1]. Quel monument plus imposant et plus durable élevé à la gloire de la méthode d’induction que cette Histoire des Animaux, qui ravissait Cuvier d’étonnement, et où le philosophe de Stagyre s’élève par degrés de la description des individus et des espèces aux lois les plus générales de l’organisation ! À l’époque du renouvellement des sciences, Bacon eut le mérite, non pas certes d’inventer l’induction, car on n’invente pas une faculté naturelle de l’esprit humain, non pas de la découvrir, puisque Socrate, Platon, Aristote, et vous pouvez y joindre Hippocrate, l’avaient appliquée avant lui, mais de la décrire avec précision et de la prêcher avec enthousiasme. Newton acheva de la consacrer par des découvertes immortelles, et ses héritiers l’appliquent tous les jours sous nos yeux. Ouvrez le Discours sur l’étude de la philosophie naturelle, écrit par un contemporain illustre, M. Herschel, et dans ce livre, tout pénétré du Novum Organum de Bacon et des Regulæ philosophandi de Newton, vous verrez que l’induction consiste à s’élever, par des observations et des expériences bien conduites, à la connaissance des lois de la nature, lesquelles ne sont autre chose que les relations constantes qui existent entre les phénomènes de l’univers[2].

Qu’y a-t-il dans ce procédé qui ressemble aux spéculations des philosophes sur l’existence et les attributs de Dieu, et comment assimiler la méthode dont s’est servi Ampère pour trouver la loi des courans électriques avec celle qui conduisit Platon au premier principe de la vérité et de l’être ?

Si j’entends bien le procédé dialectique ou métaphysique dont Platon nous a transmis l’héritage, voici comment on pourrait le définir. Chaque fois que je considère un objet de la nature, astre, plante ou minéral, et l’homme lui-même, je m’aperçois que cet objet est changeant, successif, limité, en un mot imparfait. Voyant cela, je me dis que cet objet n’existe pas par lui-même, n’a pas en lui-même sa raison d’être, et dès lors je le rapporte à un principe supérieur qui est par soi, qui a sa raison d’être en soi, c’est-à-dire qui est immuable, éternel, infini, parfait. Tel est l’acte essentiel de la pensée sur lequel repose toute théodicée. Si cet acte est réel et légitime, si cette base est solide, il s’ensuit qu’il y a un moyen régulier de connaître la nature de Dieu, une méthode métaphysique. Et sans doute Dieu est infiniment loin de nous. C’est un Dieu caché, mais il se révèle dans la nature et dans l’humanité, et là je puis saisir quelque trace de ses perfections infinies. Tout ce qui est dans l’univers et dans l’humanité a sa raison d’être en Dieu. Il y a dans la créature de

  1. Organon, II Anal., I, 1 ; Top, I. 12.
  2. J. F. W. Herschel, Discours, deuxième partie, ch. II, p. 97.