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d’entrer dans la famille royale, et de sceller, par son mariage avec le prince de Conti, l’humiliation de la fronde ; l’autre fut admise dans la plus grande maison souveraine d’Italie, en épousant Alphonse d’Este, héritier du duché de Modène. Les cinq filles de la signora Mancini ne furent pas moins recherchées et moins grandement pourvues. Laura, la première de ses nièces établie par Mazarin, avait été demandée, au plus fort de la guerre civile, par le duc de Mercœur, de la maison de Vendôme ; le ministre avait fait revivre pour l’autre, en faveur du prince de Savoie, son époux, le titre éteint de la branche royale de Soissons ; mariée au connétable Colonne, Marie Mancini alla, dans les grandeurs de Rome, écouler tristement une vie empoisonnée par les rêves de sa jeunesse ; une autre sœur épousa le duc de Bouillon après la mort du cardinal. Hortense enfin, la plus belle personne de son temps, vainement recherchée par le roi Charles II durant l’incertitude de sa fortune, fut destinée à perpétuer le nom du ministre en unissant son titre ducal à celui du duc de La Meilleraye, que Mazarin voulut faire l’héritier principal de ses grands biens, les plaçant ainsi, par un honorable sentiment de reconnaissance, dans la famille du cardinal de Richelieu.

De ses trois neveux, l’un était mort bravement à la bataille du faubourg Saint-Antoine ; l’autre, encore enfant, avait péri victime de la cruelle imprudence de ses condisciples ; à celui qui survivait il laissa un legs considérable avec un établissement princier en Italie et le titre de duc de Nivernais créé pour lui. Il n’y eut pas jusqu’au frère de Mazarin, pauvre moine oublié au fond d’un cloître d’Italie, qui, sous le couvert de ce nom devant lequel s’abaissaient toutes les barrières, n’arrivât en France pour y devenir archevêque d’Aix et bientôt après cardinal.

Le triomphe de Mazarin sur les deux factions qui lui disputèrent le pouvoir eut sans doute les plus importantes conséquences par la consolidation de la puissance monarchique ; mais on reste dans les termes de la plus stricte vérité en maintenant que l’administration intérieure de ce ministre durant les dernières années de sa vie se réduisit à peu près à l’exploitation du royaume au profit de sa famille. À quels résultats pratiques aboutit entre ses mains, dans la seconde période de sa carrière, le pouvoir le moins partagé et le moins disputé qui ait jamais été conféré au premier ministre d’une grande monarchie ? Quels jalons le cardinal a-t-il plantés sur cette route où il marcha neuf années sans qu’il s’élevât sur ses pas aucun obstacle ? Il ne s’occupait ni des finances, que Fouquet livrait de compte à demi à l’avidité des traitans, ni de la législation générale, dont il comptait bien ne plus entendre parler depuis qu’il avait fait taire messieurs du parlement ; ce ministre ne parut pas soupçonner