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en un corps régulier de doctrines. Son livre témoigne d’une instruction abondante et surtout d’une vaste curiosité ; on y respire un grand et paisible amour de l’humanité, une ferme confiance en l’avenir, un sentiment de générosité sincère. L’auteur a la charité, la foi et l’espérance, il habite de cœur dans ces astres qu’il destine aux migrations et au perfectionnement des âmes, il console les hommes en leur parlant de la providence de Dieu et de l’harmonie des mondes ; mais il évite de tomber dans la sensibilité rêveuse et féminine, il garde le ton d’un philosophe et ne prend pas celui d’un enthousiaste. Il discute sans aigreur et il attaque sans haine. S’il combat ses adversaires, ce n’est point pour les détruire, mais pour se les concilier. Le style, par son mouvement fini et par son ampleur extrême, convient à la gravité de la pensée et à la dignité du sujet. Si l’on rencontre dans ce livre un petit nombre de termes étranges et un nombre assez grand d’exclamations inutiles, on y trouve plus d’une fois des pages éloquentes dont Bernardin de Saint-Pierre ne désavouerait pas l’accent ému et imposant. L’auteur est donc un de ces hommes dont on loue les intentions, dont on voudrait louer la doctrine, mais que l’on réfute tout en regrettant d’avoir à le réfuter. Nous avons rappelé ses qualités en quelques lignes, nous allons indiquer les défauts de son livre en plusieurs pages. C’est que son talent est visible et sa doctrine persuasive. La brièveté de nos louanges, comme l’étendue de nos critiques, est une marque de ce que l’un a de réel, de ce que l’autre peut avoir de séduisant.


I

Deux choses sont à remarquer dans le livre de M. Jean Reynaud : le but, qui est la conciliation de la philosophie et de la religion ; la méthode, qui est l’habitude d’affirmer sans preuves. Considérons tour à tour le but et la méthode, et voyons en premier lieu si le but que s’est proposé M. Reynaud peut être atteint.

L’auteur de Ciel et Terre juge que depuis deux cents ans l’astronomie, la physique, la géologie, l’histoire naturelle et l’histoire ont transformé l’idée qu’on se faisait de la nature, et que l’idée ainsi acquise doit à son tour aujourd’hui transformer les dogmes chrétiens ; mais il juge en même temps que les anciennes croyances contiennent autant de vérité que les découvertes modernes, que la tradition et l’autorité ont les mêmes droits à notre foi que l’examen et l’expérience, et que loin de jeter la religion à terre, il faut en faire la première pierre du nouvel édifice. Pressé entre deux méthodes et deux doctrines, il ne peut se résoudre à sacrifier ni l’une ni l’autre ; il emploie toute son érudition et toute sa dialectique à les accorder. Des deux personnages qu’il met en scène, le théologien arrive ordinairement