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des instrumentistes de la chapelle ducale, l’autre, de jeunes filles qui jouaient du violon, de la viole, du violoncelle, de la contre-basse et même de plusieurs instrumens à vent. Ces orchestres étaient placés au milieu de l’estrade en face de Bertoni, qui les dirigeait. Parmi les élèves de l’école des Mendicanti, on remarquait la Vicentina, qui n’avait eu garde de manquer une si belle occasion de se trouver avec Lorenzo, car ils ne s’étaient pas revus depuis la journée de Murano. Grotto, Pacchiarotti et Furlanetto étaient aussi parmi les auditeurs de cette accademia, consacrée à l’un des plus heureux génies de l’école vénitienne.

Le compositeur dont l’abbé Zamaria allait prononcer l’éloge, Baldassaro Galuppi, surnommé il Buranello, parce qu’il était né dans l’île de Burano en 1703, fut élève de Lotti ; mais il n’est pas sorti de l’école degl’ Incurabili, comme l’ont affirmé à tort quelques biographes, puisque les scuole de Venise n’admettaient que des filles. Tout jeune encore, il s’essaya dans la musique dramatique, et se fit remarquer par la vivacité et le naturel de ses heureuses inspirations. Nommé maître de chapelle de l’église Saint-Marc, où il succéda à Saratelli en 1762, directeur de l’école des Incurables quelques années après la mort de l’illustre Lotti, son maître, Galuppi dut à sa grande renommée d’être appelé à la cour de Russie par l’impératrice Catherine II. De retour dans sa patrie en 1768, il ne la quitta plus jusqu’à sa mort, arrivée dans le mois de janvier 1785. C’était un homme vif, plein d’esprit et de bonne humeur, que Galuppi. Sa taille mince, sa petite figure fine, blanche et osseuse, ressortaient au milieu de sa nombreuse et belle famille. Adoré de ses jeunes élèves des Incurables, fort recherché dans le monde, qu’il amusait par ses saillies et un talent remarquable sur le clavecin, entouré d’aisance et d’une haute considération, Galuppi vécut heureux en conservant jusque dans son extrême vieillesse la gaieté, le brio et le feu qui caractérisent ses compositions. Burney, qui le vit à Venise en 1770, en parle avec beaucoup d’intérêt, et la définition qu’il lui attribue de la bonne musique peut être considérée comme la qualification du génie vénitien lui-même. « La bonne musique, disait Galuppi, consiste dans la beauté, la clarté et la bonne modulation. » N’est-ce pas aussi par la beauté des formes, par la clarté du plan et la bonne modulation, c’est-à-dire le coloris, que se distinguent les chefs-d’œuvre de la peinture vénitienne ?

Galuppi a écrit des opéras seria, des oratorios, divers morceaux de musique religieuse pour la chapelle Saint-Marc, et surtout un nombre considérable d’opéras buffa, où son imagination riante et facile était particulièrement à l’aise. Ce n’est pas que la distinction des genres soit bien tranchée dans l’œuvre de Galuppi, et que le style