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des meilleures raisons que donne M. Petersen, appuyé sur le témoignage d’Aulu-Gelle et quelques paroles de Platon, qui cite Hippocrate comme le contemporain de Phidias, pour faire remonter sa naissance à l’année 475. Il aurait eu alors quarante-sept ans en 428, et il aurait pu avoir des fils médecins et une fille mariée. Malgré l’opinion de M. Petersen, on ne peut oublier que la chronologie de Platon n’est jamais bien exacte, et il est difficile de ne pas reconnaître une pièce apocryphe dans le discours de Thessalus. La peste décrite par Thucydide, la gravité des accidens, l’esprit de folie dont furent saisis tous les citoyens, l’impossibilité d’apporter à leurs maux aucun soulagement, etc., ne ressemblent en rien aux maladies que décrit le médecin de Cos.

C’est à la même époque qu’il faut placer le superbe refus des présens d’Artaxerce, et on doit en faire le même cas. Le roi de Perse, prévoyant, lui aussi, que la peste envahirait ses états, lit, dit-on, proposer à Hippocrate de quitter Athènes et de venir à sa cour. Le Grec répondit qu’il aimait mieux servir ses compatriotes et la liberté que des étrangers et le despotisme ; puis, les ambassadeurs insistant et lui promettant un bon maître : Je n’ai pas besoin, dit-il, d’un bon maître. Galien regardait cette histoire comme certaine, et Stobée l’affirme, quoiqu’il la place sous le règne de Xerxès, qui était mort avant la naissance d’Hippocrate. Elle a donné lieu à de savantes dissertations d’histoire et de morale, et tantôt on a approuvé le refus de servir un tyran au nom du désintéressement, tantôt on l’a blâmé au nom de la philantropie. Le seul fondement de ce récit est une lettre écrite par Hippocrate au roi de Perse par l’intermédiaire du satrape Histanès ; mais cette correspondance singulière est sans aucun doute l’œuvre d’un faussaire. Ce commerce était fort usité dans l’antiquité, et il l’est encore aujourd’hui. Plutarque raconte qu’il courait de son temps des lettres sous le nom de Lycurgue. On en a aussi attribué à Solon, et personne n’a songé à les croire vraies. Les lettres de Platon même sont sans doute fausses. Ce qui est plus sûr, c’est qu’Hippocrate avait beaucoup voyagé. On a par ses ouvrages des preuves de son séjour en Libye, à Délos, dans l’Asie mineure, en Égypte, où il a séjourné longtemps, à Thasos, dont il a décrit les constitutions médicales, pendant trois années successives, sous le nom d'Épidémies. Il est même probablement allé jusque dans la Crimée et la Russie méridionale. Il a recueilli une observation pathologique sur les bords du Danube. Le troisième livre des Épidémies prouve qu’il a exercé son art à Abdère, mais il n’est pas prouvé, comme le croit Bayle, que les Abdéritains l’aient appelé dans leur ville pour soigner Démocrate et lui aient payé son voyage dix talens ou 500,000 fr. Cela serait singulier dans un temps où le trésor destiné aux frais de la guerre montait