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comme témoignages du passé ; il a cru ne pouvoir mieux faire que de les copier. Eût-il réussi, sa peinture ne serait pas bonne, car les conditions de la miniature ne sont pas celles d’un tableau ; mais il s’en faut de beaucoup que ces figures aient la naïveté des bonnes miniatures. Les images qui ornent les manuscrits sur vélin ne sont pas seulement naïves, elles nous charment encore par le choix harmonieux des couleurs. Rien de pareil dans la fête de Noël : l’harmonie et la naïveté sont rayées du programme de M. Maclise. J’aime à croire que nous ne devons pas chercher dans cette toile l’expression complète de son talent. S’il en était autrement, sa renommée serait une énigme dont je ne me chargerais pas de trouver le mot, ou plutôt ce serait un effet sans cause. Il n’est pas probable que ses compatriotes l’aient applaudi sans raison. S’il eût fait toute sa vie des œuvres telles que le Manoir du Baron au bon vieux temps, il serait demeuré parfaitement ignoré.

Je ne parlerais pas des Vendanges dans le Médoc, de M. Uwins, si je ne voyais dans le livret que cette composition appartient à la galerie nationale de Londres, et que l’auteur est membre de l’Académie royale. C’est une toile pleine de coquetterie et d’afféterie, où les gens du pays auront grand’peine à reconnaître ce qu’ils voient chaque année. La jeune vendangeuse qui occupe le centre du tableau sourit en montrant ses dents comme une habituée d’Almack, et n’a rien de commun avec les brunes villageoises qui portent la grappe à la cuvée. Pour peindre de telles figures, à quoi bon voyager ? C’est vraiment du temps perdu. Puisque M. Uwins voulait transporter sur les coteaux du midi les visages frais et sourians des keepsahe il n’avait pas besoin de se déranger.

L’Angleterre possède depuis quarante ans les plus beaux débris de l’art antique parvenus jusqu’à nous : les tympans, la frise et les métopes du Parthénon. Il semble donc qu’elle n’aurait qu’à consulter les trésors déposés au Musée britannique pour faire de rapides progrès dans la statuaire ; mais malgré la présence de Phidias, qu’elle peut interroger chaque jour, elle ne parait pas avoir jusqu’ici tiré grand profit de ses conseils. Elle compte des hommes habiles dans le maniement de l’ébauchoir et du ciseau, et pourtant la statuaire n’est chez elle qu’une plante de serre chaude ; elle n’est pas entrée dans les mœurs, comme une forme naturelle et spontanée de l’imagination. La contemplation assidue de la Cérès et de la Proserpine, des Parques et du Thésée, c’est-à-dire des plus belles figures qui aient été créées par le génie humain, n’a pas éveillé dans l’âme des sculpteurs anglais l’amour de la beauté idéale. Quelques-uns, désespérant de toucher le but qu’ils s’étaient proposé s’ils demeuraient dans leur pays, se sont expatriés et demandent au ciel de l’Italie