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qui les ont précédés, nous voyons ceux-ci employer, sans en avoir étudié la signification, des thermomètres très variables, et ceux-là commencer leur campagne scientifique par un examen approfondi de cet instrument, sur lequel allaient reposer toutes leurs mesures. Avant eux, on imaginait théoriquement, comme le faisait Dalton, des lois que l’on ne se donnait pas la peine de justifier, ou bien l’on se contentait de quelques expériences vagues, sans les discuter, sans se préoccuper de les rendre précises, puis on les généralisait. Dulong et Petit signalèrent, dès les premiers pas qu’ils firent, l’insuffisance de cette méthode, en montrant toutes les erreurs qu’elle avait introduites. Devenus sévères pour eux-mêmes comme ils l’étaient pour les autres, ils multipliaient les mesures, attachaient de l’importance aux moindres détails, les décrivaient avec soin, comme s’ils avaient voulu enseigner à leurs lecteurs par quelle minutieuse et continuelle surveillance on parvient à réduire toutes les chances d’erreur, si nombreuses qu’elles puissent être. Au lieu d’exprimer en gros, par une formule générale, la marche d’un phénomène, nous les avons vus, dans l’étude du refroidissement, rechercher avec soin toutes les influences qui le compliquent, puis attaquer séparément chacune d’elles pour en mesurer l’effet, et arriver enfin à nous donner la loi finale et vraie dans laquelle interviennent toutes les causes qui concourent à modifier les actions naturelles. Il arriva que ces exemples si nombreux, et qui s’appliquaient a des études compliquées, transformèrent presque subitement les habitudes des expérimentateurs. Le laisser-aller disparut, le sentiment de l’exactitude se développa, la méthode d’expérimentation se perfectionna, et une école nouvelle fut fondée. Ces progrès généraux, dus aux enseignemens et aux exemples de Dulong et Petit, sont leur plus grand et leur plus impérissable titre à la reconnaissance ; il n’est pas le seul. L’ensemble imposant de leurs découvertes prouve qu’ils savaient joindre l’exemple au précepte. La loi sur les capacités des atomes leur assure une gloire impérissable, et le travail sur le refroidissement sera toujours lu comme un modèle de l’art expérimental. Sans doute ils ont commis des erreurs, et nous les avons signalées : ils admettaient que tous les gaz se dilatent également et se compliment de la même manière, ce qui n’était qu’une approximation insuffisante ; mais pour apprécier à leur valeur les travaux plus habiles qui ont dévoilé ces inexactitudes, il n’est pas nécessaire que l’on soit injuste envers Dulong et Petit, et qu’on leur reproche trop sévèrement de n’avoir pas atteint la perfection qu’ils poursuivaient. Il faut les juger, non pas sur ce qu’ils ont laissé ignorer, mais sur les vérités qu’ils ont découvertes.


J. JAMIN.