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la commission, souvent démembrée et reconstituée, finit par être réduite aux deux noms que nous venons d’écrire. On peut dire sans flatterie pour l’un, sans injure pour l’autre, que Dulong se donna plus de peine que son confrère. Tous deux prirent cependant une égale part aux dangers que leur mission entraînait. À cette époque, on ne possédait que des données très incertaines sur les lois de variations de la puissance expansive de la vapeur aux diverses températures ; il fallait donc exécuter des expériences sur une grande échelle, et comme elles devaient entraîner des dépenses considérables, le gouvernement fit les fonds ; c’était la première fois qu’une recherche scientifique allait devenir une entreprise nationale.

Il fallait d’abord imaginer un appareil qui pût à chaque minute mesurer la force élastique de la vapeur au moment où elle prend naissance dans la chaudière, c’est en effet par cette étude préliminaire qu’il convenait de commencer les recherches, et, pour la traiter, on se rappela une donnée expérimentale introduite autrefois dans la science par Boyle et par Mariotte au sujet de la compressibilité des gaz. Ces deux savans avaient chacun de son côté remarqué que le volume d’une certaine quantité de gaz diminue progressivement quand on le comprime davantage, qu’un litre d’air atmosphérique, par exemple, se réduit à un demi-litre lorsqu’on le presse deux fois plus, et à un quart si la pression devient quadruple, — en général que le volume diminue exactement dans la même proportion que la compression augmente. On comprend tout de suite le parti que l’on pouvait tarer de cette propriété : il suffisait de comprimer de l’air au moyen de la vapeur et de mesurer la diminution de son volume pour connaître la force élastique, ou la force expansive, ou la puissance comprimante de la vapeur ; mais avant d’accepter ce procédé de mesure, il était essentiel d’en connaître l’exactitude, de savoir si la loi de Mariotte est vraie ou seulement approximative, car elle avait été établie sur la foi d’expériences peu étendues, et dont la précision était douteuse. On résolut, alors de la vérifier avec une attention spéciale ; c’est par là que l’on commença.

On s’établit dans la vieille tour de Clovis, aujourd’hui encore enclavée dans les bâtimens du lycée Napoléon, on fixa sur le sol un vase de fonte fermé très résistant, dans lequel plongeaient deux tubes de verre verticaux solidement masqués. L’un d’eux était court, fermé à sa partie supérieure ; il était rempli d’air ; on l’avait gradué soigneusement et desséché avec des précautions minutieuses ; l’autre s’élevait de la base au sommet de la tour. L’installation de ce tube présentait quelques difficultés : comme on ne pouvait se procurer un tube continu de 25 mètres de long, on employa treize morceaux séparés de 2 mètres chacun, que l’on réunit l’un à l’autre par des viroles métalliques ; ils étaient appuyés contre un mat vertical