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simplicité et cette généralité que l’on se plaît à admettre comme un des attributs de la nature, et l’erreur matérielle qu’il avait commise, recueillie à la fois par les chimistes, les mathématiciens et les physiciens, fit accepter pour les gaz une constitution idéale dont on tira des conséquences absolues. La réputation d’habileté, la légitime autorité de Gay-Lussac ne permirent aucune contestation sur la loi qu’il établissait ; Dulong et Petit eux-mêmes, malgré leur défiance habituelle, n’eurent pas un moment la pensée de douter, et, loin de vouloir infirmer des résultats qu’ils croyaient irréprochables, ils firent des expériences destinées à étendre la loi de Gay-Lussac ; ils y réussirent malheureusement, et devinrent ainsi les complices d’une erreur qui devait leur être durement reprochée.

Pour savoir jusqu’à quel point ils furent coupables, il n’est pas sans intérêt de préciser leur erreur : elle paraîtra si futile que l’on comprendra à peine comment une si petite cause a pu amener de telles conséquences. On ignorait à cette époque, ou si on le savait on ne s’en préoccupait guère, que le verre attire énergiquement l’humidité de l’atmosphère, et que les parois d’un vase formé de cette substance sont pour ainsi dire tapissées d’un enduit liquide, à la vérité très mince, mais qui n’est pas nul, et qu’on ne peut chasser qu’avec une extrême difficulté. Or Gay-Lussac d’abord, Dulong et Petit ensuite enfermaient un gaz dans un tube de verre, puis ils le chauffaient. Alors l’eau adhérente formait de la vapeur qui se mêlait au gaz et augmentait son volume ; on croyait ne mesurer que le gaz dilaté, c’était le gaz augmenté de la vapeur que l’on observait. Il n’est point étonnant que l’on ait trouvé une dilatation exagérée, et que les erreurs commises aient été telles que l’inégalité des dilatations de chaque gaz spécial soit restée inaperçue. Rudberg reconnut quelques années après la faute que l’on avait commise, il la corrigea, et nous apprit à dessécher un vase, ce qui fut un plus grand progrès qu’on ne peut le croire. M. Regnault vint ensuite, qui montra comment les gaz ont tous une dilatation qui leur est propre, quoique très près d’être la même. Alors disparurent à tout jamais les idées théoriques sur la constitution des gaz, et les conséquences qu’on avait pu en tirer. Néanmoins, tout en détruisant les principes sur lesquels Dulong et Petit s’étaient appuyés, M. Regnault justifia l’emploi du thermomètre à air et proscrivit plus énergiquement encore l’appareil à mercure.

Dulong et Petit ont maintenant accompli la tâche qu’ils s’étaient donnée, de préparer les élémens de leurs recherches ultérieures ; ils abordent alors, avec des idées mieux fixées et une réputation déjà faite, l’étude du refroidissement, qui était leur but principal. Nous n’insisterons cette fois ni sur l’exactitude des expériences ni sur la rigueur des lois mathématiques qui les résument : ce serait nous