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de solidité ; mais ce qui étonna davantage, c’est que le calcul de Fourier expliqua tous les faits connus, et qu’il en fit découvrir qui ne l’étaient pas : on suspectait les principes, et l’on se voyait contraint d’accepter les conséquences. La question du refroidissement reprenait ainsi un intérêt tout nouveau, et acquérait une importance qu’elle n’avait jamais eue. L’Académie des Sciences fit appel aux physiciens, et mil le sujet au concours ; c’est à cette occasion que Dulong et Petit se réunirent pour le traiter en commun, c’est par l’ensemble d’études ainsi provoqué que commence leur vie scientifique.

Les sciences d’observation sont loin de procéder, comme les mathématiques, par des méthodes d’exploration tellement sûres, que l’erreur y soit impossible. Dans les sciences exactes, les découvertes sont des déductions logiques de principes, qui s’enchaînent avec la rigueur la plus absolue : elles sont acquises à tout jamais du moment qu’elles ont été énoncées. Le développement des sciences physiques, au contraire, résulte de l’ensemble d’observations éparses, souvent incomplètes, quelquefois mal faites, exécutées par des personnes qui n’ont point de but commun, qui y apportent une habileté individuelle très inégale, et qui sont à chaque instant exposées ou à généraliser indûment des faits particuliers, ou à mesurer inexactement les phénomènes qu’elles observent. De là vient qu’à chaque époque la physique se résume dans un certain nombre de lois admises, parmi lesquelles il en est qui sont vraies, comme on en voit qui ne le sont pas absolument. Ces lois se composent d’un mélange de notions précises et de connaissances approximatives, sans qu’on puisse distinguer les vérités qu’il faut conserver des erreurs qu’il faut détruire. Si c’est là le sort des sciences d’observation à chacune des phases qu’elles parcourent, c’est surtout leur grande imperfection quand elles commencent, et l’étude de la chaleur naissait à peine au moment où Dulong et Petit résolurent de s’y consacrer. Ils héritaient de toutes les idées vagues, de tous les préjugés des époques passées, et ils reconnurent qu’une revue minutieuse des principes qui allaient les diriger, des instrumens dont ils feraient usage, devait être leur premier soin et leur plus judicieux devoir. On va comprendre que jamais précaution ne fut plus indispensable.

Pour découvrir les lois qui règlent le refroidissement des corps, il fallait prendre l’un d’eux, l’échauffer sur un foyer, l’exposer librement dans l’air, et observer d’instans en instans la marche successive et décroissante de sa température : l’emploi d’un thermomètre était donc indispensable. Or, depuis Drebbel et Galilée, chaque physicien avait pour ainsi dire inventé son thermomètre. Loin de manquer d’instrumens, on en avait un trop grand nombre ; mais étaient-ils comparables