Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de roïne. Une oie se disait anciennement un oe ; le Patelin dit quelquefois une oe et le plus souvent une oie. Le quelque… que, tournure à laquelle M. Génin fait la guerre toutes les fois qu’il la rencontre, est en plein usage dans le Patelin. L’ancien et bon usage avait en place une locution bien plus légère : on disait par exemple quel coup qu’il donne, et non quelque coup qu’il donne. Nous avons singulièrement alourdi la phrase en doublant le que, mais ce vice de langage a droit de bourgeoisie dès le XVe siècle. Au contraire, c’est il au lieu de c’est lui — est un archaïsme, la vieille langue ne confondant jamais il, qui est un sujet, et lui, qui est un régime. C’est encore un archaïsme que donge au subjonctif pour donne :

:Je n’ay point apprins que je donge
:Mes drapz en dormant ne veillant (v. 720),

et donras au futur pour donneras :

:Que donras-tu, si je renverse
:Le droit de ta partie adverse (v. 1122) ?

Tant qu’il n’y aura pas un bon dictionnaire de l’ancien français, ne pouvant s’en rapporter qu’à des notes ou à sa mémoire, on sera plus d’une fois embarrassé pour savoir si tel mot, telle locution, telle tournure sont anciennes dans la langue et ne s’y sont introduites que tardivement. M. Génin, rencontrant tandis que, sinon dans le Patelin, du moins dans des écrits du XVe siècle, regarde cela comme une corruption du langage, tandis étant non une conjonction construite avec que, mais un adverbe ayant le sens de pendant ce temps. Le fait est que tandis que est beaucoup plus vieux. En voici un exemple du XIIIr siècle, pris à la célèbre épopée allégorique et burlesque du Renart :

:Et tandis que il les assemble,
:Renart ses coroies lui émble,
:Qu’il avoit près d’un buisson mises ( v. 16944).

Segrais raconte que, Boileau récitant devant quelques amis le morceau de son Lutrin où se trouve ce vers :

:Les cloches dans les airs de leurs voix argentines

Chapelle, qui était du nombre des auditeurs, arrêta court le poète, lui disant qu’il ne pouvait lui passer ce mot, et qu’argentin n’était pas français. Un autre des assistans prit parti pour Chapelle et condamna Boileau. Le temps a donné tort à l’ennemi d’argentin, et ce joli mot est non pas devenu, mais redevenu français, si tant est qu’il eût jamais cessé de l’être et qu’il eût d’autre défaut que d’être inconnu a Chapelle. Le fait est que Boileau n’en est pas l’auteur et