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laquelle elles ne forment pas diphthongue, emportent toujours dans la prononciation, avec leur valeur comme voyelles, leur valeur comme consonnes. I vaut i,  ; u vaut u, v ; parmi le col soye pendu, prononcez soi-je. » Je ne puis donner mon assentiment à cette règle. Non-seulement on ne trouve rien dans les textes qui l’autorise, mais encore elle me paraît contraire à l’analogie. En étudiant la forme française, il faut toujours avoir présente à l’esprit la forme latine dont elle dérive, et qui en donne les linéamens ; il faut pouvoir du latin descendre au français, ou du français remonter au latin ; sans cette double condition, les étymologies, les règles, sont chancelantes. Or considérons à cette lumière le dire de M. Génin, et, au lieu de jesoye, qui n’est pas si commode, attendu qu’il ne dérive pas directement de sim, mais d’une forme, allongée — siam, prenons les imparfaits, dont la finale oie est dissyllabe aussi : je pensoie. Cette finale provient de la finale latine abam : pensabam. Suivant la règle française, le b est tombé ; la finale latine am, étant non accentuée et sourde, est devenue un e muet. L’a long qui restait devant cet e muet a été changé en une voyelle longue correspondante. Voilà l’analyse complète de la formation ; mais si elle était je pensoie, elle serait tout à fait rebelle à l’analyse, car, ramenée au latin, il serait absolument impossible de rendre compte de ce y, et si on le réintroduisait dans l’élément latin, on arriverait à une forme pensabiam, qui donnerait régulièrement : pensoije, mais qui ne peut être imaginée.

Rejetant ainsi la prononciation proposée par M. Génin, on me demandera peut-être quelle est celle que je suppose. J’imagine que nous en avons encore aujourd’hui la reproduction fidèle dans certaines prononciations que nous entendons tous les jours, bien qu’elles tombent graduellement en désuétude. Voyez, par exemple, le verbe employer, — à la troisième personne il emploie. La prononciation bonne à présent est : il emploi ; mais plusieurs personnes disent : il emploi ye, faisant trois syllabes, qui en effet comptaient comme telles dans les vers de Régnier et d’autres. Eh bien ! suivant moi, je pensoie, je cuidoie, et tous les autres imparfaits, se prononçaient je pensai ye, je cui doi ye, etc. cette prononciation s’applique à vraiement. Payer, par exemple, est parallèle à employer ; il paye se prononce aujourd’hui il pai ; mais beaucoup disent aussi en deux syllabes : il pai ye, et cela se trouve dans Molière. C’était ainsi que nos aïeux prononçaient cette combinaison de lettres : vrai ye ment. Ils disaient une plai ye, et non, comme nous maintenant, une plaie ; une voi ye, et non, comme nous, une voie.

Dans l’ancien français, les finales des participes eu, receu, deceu, etc., sont de deux syllabes, et, appliquant sa règle, M. Génin dit qu’on prononçait evu, recevu, decevu. Il est vrai que, encore maintenant,