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Le vers suivant est surtout mis en relief avec un grand bonheur :

Mon fils !… mon fils ! c’est là mon fils !


M Bonnehée le dit d’une voix éclatante et remplie d’onction paternelle. La musique du divertissement des quatre saisons est au moins suffisante, surtout celle de l’automne, qui ferait honneur à un compositeur qui n’aurait pas d’autres prétentions. Ceci nous rappelle que lorsqu’on commença à répéter à l’orchestre les deux premiers actes du Prophète, l’un des deux hommes d’esprit qui dirigeaient alors le théâtre de l’Opéra s’approcha de Meyerbeer et lui dit avec, un bon vouloir inappréciable : — Cher maître, si vous étiez embarrassé pour faire la musique du divertissement des patineurs, au troisième acte, je vous donnerais un collaborateur qui vous soulagerait de cet ennui. — Merci, répondit Meyerbeer avec la finesse pleine de bonhomie qui le caractérise ; je tâcherai de faire de mon mieux. — Et il a tenu parole, puisqu’il a fait un chef-d’œuvre. J’ignore si on a fait à M. Verdi la même proposition, mais dans tous les cas il a prouvé, beaucoup moins bien que Meyerbeer sans doute, qu’il n’avait pas besoin non plus de collaborateur.

Le filiale du troisième acte est un morceau assez vigoureux pour mériter une analyse. L’enlèvement d’Henri par les soldats de Guy de Montfort. À la fin du second acte, a excité la sollicitude de ses amis Procida et Hélène, qui ont résolu de le délivrer en pénétrant, sous un déguisement, à la fête que donne le gouverneur. Averti par son fils, qui ne se décide qu’à la dernière extrémité à trahir le secret des conjurés, dont il partage les sentimens, Guy de Montfort fait arrêter Procida et Hélène, et il en résulte une situation compliquée dans laquelle Henri, Procida, Hélène et le gouverneur expriment les passions diverses qui les agitent. L’ensemble commence avec une phrase dite à l’unisson d’abord par les conspirateurs désarmés et confus, répétée par le gouverneur, son fils et les courtisans français, et reprise une troisième fois par le chœur et tous les assistans. Cette progression ascendante vient éclater dans un tutti formidable d’un grand effet. C’est très court, mais puissant.

Le quatrième acte, dont la scène se passe dans une forteresse où sont renfermés Procida et Hélène, commence par un air de ténor que chante Henri. La mélodie de cet air :

O jour de deuil et de souffrance !


est un souvenir un peu trop fidèle du chant de la pâque dans la Juive de M. Halévy. Le duo qui suit entre Hélène et Henri, venant se justifier d’avoir été la cause innocente du malheur de son amante, débute assez péniblement par des lambeaux de récit dont M. Verdi est toujours embarrassé. L’ensemble de ce duo est cependant d’une mélodie heureuse, ainsi que le solo d’Hélène, qui forme une romance agréable :

Ami…, le cœur d’Hélène
Pardonne au repentir !


mais je n’aime pas le point d’orgue chromatique descendant qui en est la conclusion. La partie saillante et vraiment délicieuse de ce duo, c’est l’ensemble qui le termine :

Pour moi rayonne
Douce couronne.