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d’apprendre que le massacre général connu sous le nom de vêpres siciliennes n’a jamais existé. » Suit une petite dissertation historique où les auteurs se donnent l’agrément de citer Fazelli, Muratori, Giannone, historiens italiens sur lesquels s’appuie leur érudition de fraîche date. Ils se gardent bien de citer un livre connu et très estimé sur la matière, la Gverra del Vespro sicillano, de M. Michèle Amari, dont la quatrième édition a paru à Florence en 1851. Si l’infatigable librettiste prenait le temps de se recueillir un peu, il aurait pu lire dans le cinquième chapitre de l’excellent ouvrage de M. Amari, page 102, que le 31 mars de l’année 1282 il y eut à Palerme une révolte contre la domination tyrannique de Charles d’Anjou, révolte qui se répandit dans toute la Sicile, et dans laquelle furent massacrés, au dire de Villani, quatre mille Français ; Ce sont des fables intéressantes plus ou moins bien appropriées au talent du compositeur qu’on demande à M. Scribe, et non le savoir d’un bénédictin. On sait de reste, par l’Étoile du Nord et la Czarine, ce qu’il fait de l’histoire, quand il lui arrive de la consulter.

Guy de Montfort, lieutenant de Charles d’Anjou, est gouverneur de la Sicile et siège en souverain dans la ville de Païenne, qu’il opprime de son despotisme. Il a enlevé une femme du pays, dont il a eu un fils, et qui s’est sauvée avec son enfant. Cette femme, qui abhorrait dans son ravisseur le tyran de la Sicile, lui écrit en mourant :

Toi qui n’épargnes rien, si la hache sanglante
Menace Henri Nota, l’honneur de son pays,
Épargne au moins cette tête innocente :
C’est celle de ton fils.

Ce fils en effet, qui ignore sa naissance, entre dans une conspiration contre le gouverneur de Palerme. Il est poussé à ce crime par amour pour son pays et par affection pour la duchesse Hélène, sœur du jeune Frédéric d’Autriche, décapité sur l’échafaud avec Conradin, et qui s’est promis de venger sa mort : c’est là le nœud de la pièce. La duchesse Hélène, Procida et Henri Nota, le fils inconnu du gouverneur, forment une conjuration pour délivrer la Sicile de la domination étrangère en assassinant Guy de Montfort. Lorsque, Henri Nota apprend de la bouche même du gouverneur qu’il est son propre fils, son cœur hésite entre les devoirs que lui impose la nature et les liens qui l’attachent à la belle duchesse. Il se décide cependant à avertir son père du danger qu’il court, et lui apprend que des conjurés se sont introduits dans son palais sous un déguisement qu’autorise la fête où ils sont invités, et qu’ils doivent attenter à ses jours. Sur cet avis, Guy de Montfort fait arrêter les assassins, qui sont Procida et la duchesse Hélène. Désespéré d’avoir trahi le secret d’une conspiration dont il faisait partie, Henri emploie toute L’influence que lui donne la tendresse de son père pour sauver Hélène et Procida, qui attendent la mort. Guy de Montfort se rend au vœu de son fils, à la condition qu’il le reconnaîtra publiquement pour son père. Henri, après de cruelles hésitations, se décide, et obtient non-seulement la grâce de ses amis, mais aussi la main de la duchesse Hélène. Ce mariage, qui fait le bonheur des deux fiancés et qui pourrait consolider la domination des Français sur la Sicile, n’entre pas dans les intentions de Procida, qui conseille