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faveur dans le pays, qui ne me paraissent pas très bien entendus ; ici est entre autres le mélange avec la race agenaise, dont la limousine n’est originairement qu’une variété, et qui a conservé plus de taille et de vigueur, mais qui consomme davantage et qui a moins de finesse. La séduction de la taille est si grande, que beaucoup d’éleveurs s’y laissent prendre, et je ne suis pas bien convaincu que la plupart des limousins envoyés à l’exposition n’eussent plus ou moins de sang agenais. Pour mon compte, j’aime mieux la race pure, comme plus appropriée au sol et plus avantageuse pour la boucherie. J’en dirai autant du croisement avec les salers et même avec les charolais ; les salers sont encore trop grands, et la viande des charolais est inférieure ; je préférerais le mélange avec la race de Parlhenay, et, — quand on peut augmenter l’alimentation et supprimer le travail, — avec les races anglaises, comme le devon ou le durham.

Il n’est pas de pays en France plus propice que le Limousin à l’imitation de la culture anglaise ; il n’en est pas où l’emploi de quelques capitaux dans la culture puisse porter des fruits plus lucratifs et plus sûrs. Ajoutons que c’est au jugement d’Arthur Young, qui s’y connaissait, la contrée la plus pittoresque de France. « Je ne crois pas, dit-il, qu’il y ait quelque chose d’aussi charmant en Angleterre ou en Irlande. Ce n’est pas seulement une belle perspective qui s’offre de temps en temps aux yeux du voyageur, c’est une succession continuelle de paysages qui seraient célèbres en Angleterre et sans cesse visités par les curieux. Quelques endroits d’une beauté singulière me retinrent en extase. Partout de fraîches prairies, partout de clairs ruisseaux, dont les eaux, arrêtées par des chaussées, font une multitude de petits lacs d’un effet délicieux ; partout des montagnes boisées formant le fond de la scène. Pour faire de chaque site un superbe jardin, il suffirait de le nettoyer. » En Angleterre, un pareil pays serait couvert de parcs et de châteaux, tandis qu’on n’y rencontre guère que de pauvres villages assez semblables à ceux de la Grande-Kabylie.

Je connais moins la race de l’Aveyron, qui tire son nom de l’ancienne abbaye d’Aubrac, et qui n’était représentée à l’exposition que par quatre bêtes, dont une a eu le premier prix des femelles parmi les races de montagne. On la dit bonne à la fois, comme les salers, pour le travail, la laiterie et la boucherie, ce qui veut dire apparemment que, comme les salers, elle n’excelle dans aucune spécialité, mais les réunit toutes trois suffisamment pour donner en somme un bon produit. Celle-là aussi doit convenir tout à fait aux besoins actuels du pays qu’elle habite, et ce serait grand dommage d’y toucher sans nécessité pour satisfaire au principe théorique de la spécialisation des animaux. Je fais des vœux seulement pour qu’elle se multiplie, car