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un lait nourrissant et fortement chargé de caséum. En même temps s’étendent au pied de ses montagnes des régions que la nature a peu douées de pâturages, et qui, dans l’état de leur culture, ont besoin de faire venir d’ailleurs leurs bœufs de charrue. Un peu plus loin, en se rapprochant de la mer, reparaissent des pâturages propres à l’engraissement, avec des cultures meilleures et des débouchés plus sûrs pour la viande grasse. De là tout un système, organisé depuis des siècles et parfaitement lié dans toutes ses parties.

L’Auvergne nourrit principalement des vaches ; quand les veaux naissent, on en sacrifie un sur deux, ce qui permet d’utiliser la moitié du lait ; avec ce lait, on fait des fromages bien connus en France ; puis, quand les veaux sont grands, on garde les femelles pour remplacer les mères, avec le petit nombre de taureaux nécessaire, et on vend les autres mâles après les avoir châtrés. Ceux-là vont traîner la charrue dans les provinces voisines qui ne font pas d’élèves ; puis, quand ils ont atteint l’âge de sept ou huit ans, ils sont revendus aux herbagers de l’ouest, qui les engraissent pour Paris. De leur naissance à leur mort, ils parcourent ainsi un demi-cercle d’environ deux cents lieues. Je ne crois pas que ce commerce puisse durer toujours sans modification ; il repose tout entier sur la demande de bœufs de travail pour la région intermédiaire. Si jamais la culture fait assez de progrès dans cette région pour amener le remplacement des bœufs par les chevaux, et si l’extension des cultures fourragères lui permet de produire elle-même ses bêtes bovines, tout s’écroule ; mais nous sommes encore loin de ce moment, et en attendant, la demande de jeunes bœufs de travail ne cesse pas. Une autre cause peut aussi tout bouleverser : c’est le cas où le producteur auvergnat trouverait de lui-même plus de profit à faire du fromage avec tout son lait qu’à élever des veaux. Cette dernière cause est peut-être la plus probable, surtout si l’on s’attache à perfectionner les procédés grossiers actuellement suivis pour la confection du fromage ; la race deviendrait alors exclusivement laitière, et elle subirait des transformations destinées à la rendre plus productive dans ce sens. Il n’en est rien encore. Tant que ces nouveaux besoins ne se seront pas produits, elle continuera à être exploitée sous le triple point de vue du travail, de la laiterie, de la boucherie ; c’est ainsi qu’il faut la juger dans son état actuel, et il est juste de reconnaître qu’elle y répond admirablement. Les animaux qui passent leur jeunesse sur ces montagnes y puisent une vigueur qui les rend propres à tout. Il y avait à l’exposition cinq échantillons de la race de Salers ; son pelage est rouge et sa taille forte.

Les montagnes du Limousin sont moins élevées que celles d’Auvergne ; l’air y est moins vif, le climat moins humide, le sol moins